"Pouce !" Vous vous souvenez de cette interjection, non ? Vous étiez tout petit dans la cour de récréation ? Vous jouiez un rôle et vous sortiez quand vous le vouliez de votre rôle pour réclamer une pause. Et bien Pater, c'est exactement ça... c'est une pause. Un temps-mort... mais sans les pouces.

Comédie politique, Pater d'Alain Cavalier a créé la surprise lors du Festival de Cannes 2011. Tourné avec moins de 500 000 euros, il est la preuve vivante que le cinéma français dessert de prodigieuses idées de scénarii avec peu de moyens. Cinéma réaliste et pensant, les protagonistes de ce film, Vincent Lindon et Alain Cavalier lui-même jubilent aux frontières de la réalité, de la fiction dans un jeu de distanciation à l'humour danois.
Danois ?! Que vient faire l'humour danois ici ? L'ambiance du film se développe autour d'un humour à froid tandis que les protagonistes empruntent d'autres habits, d'autres pensées pour provoquer une réflexion par l'absurdité. Pater fait penser au Direktor de Von Trier. Pater, c'est un peu le Diktator. Sans compter l'esprit du Dogme 95 qui hante irrésistiblement la réalisation et lui donne tout son éclat.

Alors, on en pense ce qu'on veut : c'est un peu le carnaval, un conte grivois ou c'est peut-être aussi un de ces jeux de jeunesse qui nous conduit directement à faire comme ci, à jouer au docteur, au gendarme, au voleur ou au papa et la maman. Sauf que l’œuvre, très humaine au demeurant, propose de se mettre, avec un attachement intimiste et empathie, à la place d'hommes politiques. L'idée est la même que ces jeux d'enfance : elle a attrait aux notions de pouvoir et d'autorité. C'est en fait l'idée développée par Alain Cavalier, devenu au cours d'une conversation Président de la République Française. Vincent Lindon, c'est son protégé.

Dès lors, Cavalier/Président tente d'introduire des enjeux économiques et stratégiques pour introniser son poulain à la place de premier ministre et pourquoi pas à sa propre succession. Alors, tout est passé en revue : mise en place d'une équipe de campagne, de garde du corps, costume-cravate quotidienne, changement de voiture, comportement droit et franc... Et la partie peut commencer, avec un Cavalier sortant de son rôle sans crier gare et retouchant inlassablement, manipulant le destin du cador Lindon pour rendre ce docu-fiction inclassable plus palpitant.

Le quotidien de Lindon s'en trouve particulièrement chamboulé : en quelques mises en situation, l'univers est créé, le décor planté. Le bouffon de son maître devient lui-même... mais dans la peau d'un autre. Cette douce schizophrénie de la non-interprétation, entremêlée de turpitudes sincères, crée des conflits intérieurs, motivent l'investissement et délacent les préconçus.

Humanisant à outrance les hommes de pouvoir, Cavalier/Cavalier nous tend un miroir drolatique et frais de la classe politique, tant de ses discussions sur les réformes de grande ampleur dans l'espoir de redresser la France que de son opportunisme d'élite pour assouvir sa soif de pouvoir. Et en ces temps où l'homme politique va plus loin que la séduction, Pater est un exutoire digne, cohérent, enchanté et terriblement caustique pour le spectateur qui passe son visionnage à démêler le vrai du faux... alors que tout n'est qu'illusion.

***

Il est à noter que la mesure phare de cette fausse présidence concerne une fausse mesure législative destinée à rendre équitable et à harmoniser les salaires de 1:10 à 1:15.

"Le corps électoral a été plus sensible aux arguments du Conseil fédéral, des patrons et de la droite. La crainte d'entraver la bonne marche de l'économie helvétique en imposant un carcan aux revenus des dirigeants a prévalu sur les considérations morales autour des dérives salariales constatées ces dernières années."

En 2013, une consultation a été faite en Suisse et la proposition a été rejetée à 65 %.
Comme dans le film.
Cette mesure, voulue comme un plébiscite, est une démagogie abusive pour quiconque a un minimum de bon sens. Et c'est là que c'est intéressant mais j'invite aussi quiconque à détruire ce mignon paradoxe. Oui, il faut moins d'inégalités économiques mais cette mesure pèserait lourd sur la redistribution, encore plus que les normes économiques en l'état. Ce qui signifie par ailleurs que toute réforme capitaliste destinée à faire payer la finance ou le grand patronat est une illusion majeure.

Illusion. Le programme de la gauche depuis la première guerre mondiale. J'en ferais presqu'un slogan : sous les pavés, l'illusion. Et cela durera le temps de faire revivre le mouvement ouvrier, grand absent du panel politique en France... et ailleurs.
Andy-Capet
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le 30 sept. 2013

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Andy Capet

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