Twin Peaks
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Paterson est né à Paterson, New Jersey. Il est conducteur de bus et poète, habite dans une petite maison avec sa femme qui rêve de devenir chanteuse de country et entrepreneuse dans le milieu du cupcake, et son chien. Paterson, c'est aussi le nom d'un poème de William Carlos Williams, qui s'avère également être le poète favori de Paterson. Paterson c'est aussi une inscription sur un mur devant lequel Paterson passe tous les jours pour aller au travail. Dès lors, il apparait que Paterson n'est pas seulement un film sur le quotidien amoureux d'un couple -auquel cas oui, sa lenteur, parce qu'il est clair que le film prend son temps, le rendrait assez vide- mais un film-poème, un recueil filmé, un hommage à la poésie et au couple à travers elle (les jumeaux disséminés dans le film, les références à Roméo et Juliette...). Elle est partout présente, de Macbeth sur la table de chevet au poème écrit par une jeune fille dans son carnet secret, qu'elle récite à Paterson, et qui sonne étrangement comme du Dickinson (bingo! c'est sa poétesse préférée) en passant par une photo de Ginsberg qui a grandi dans cette ville (décidément elle attire les poètes), collée sur le mur d'un bar. Derrière ses airs de célébration de la quiétude d'un quotidien moyen sans embûches, c'est en fait un film d'une grande finesse que nous livre Jarmusch, un hommage à la poésie, et en particulier au modernisme américain (William Carlos Williams, Frank O'Hara, Allen Ginsberg, Emily Dickinson, Paul Auster et David Foster Wallace dans les étagères sont des noms qui parcourent le film sans pour autant que leur présence ne fasse plaquée et artificielle) autant qu'une réflexion sur celle-ci, sur la barrière de la langue et les défis de la traduction ("lire de la poésie traduite c'est comme prendre sa douche en imperméable" dit un poète japonais à la fin du film), sur la fragilité matérielle d'un poème (l'épisode du chien mais spoiler). En fait, ce quotidien filmé n'est que l'aliment d'une réflexion qui le dépasse et le sublime, sans pour autant le rendre inaccessible, le film n'a pas un propos obscur réservé à un groupe restreint, sa simplicité s'offre d'elle-même. L'oeuvre est évidemment parfaitement filmée, souvent drôle, d'un comique très léger, avec ses clins d'oeil à d'autres cinéastes (le couple d'adolescents anarchistes dans le bus joués par les deux enfants amoureux de Moonrise Kingdom) et le casting d'une grande pertinence, avec la voix trainante d'Adam Driver qui donne son souffle au film, et la beauté triste de Golshifteh Farahani (vraiment un cadeau cette femme), sa façon toute entière de se tenir elle aussi poétique. C'est très probablement mon film préféré cette année.
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Créée
le 22 déc. 2016
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