Twin Peaks
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le 24 déc. 2016
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Il y a sûrement, dans le dernier film de Jim Jarmusch, un second degré, une ironie sous-jacente, un humour qui perce ici et là.
Un homme jeune, intelligent et paisible qui gagne sa vie comme chauffeur de bus, tout en composant jour après jour une oeuvre poétique et qui aime tout à la fois la grande poétesse américaine Emily Dickinson et contempler les chutes d'eau... ce ne peut être qu'une forme de persiflage, non ? Un couple qui connaît un bonheur sans nuages (essentiellement fait de bisous tendres, de compréhension mutuelle et de sommeil enlacé), avec jamais aucun conflit, ni d'argent, ni d'ego, ni de sexe, ni de quoi que ce soit, ça ne se rencontre qu'à Paterson (New Jersey), ville où apparemment la violence n'existe pas et où les revolvers sont des jouets d'enfant qui tirent des balles en mousse.
Film ambigu, avec un double-fond secret au contenu spécieux ? Je ne suis sûr de rien, mais je l'ai soupçonné pendant toute la séance et après.
Est-ce une satire du couple moyen américain de type bobo ?
Jim Jarmusch filme une semaine de la vie du couple (du lundi matin 6 heures et quart au lundi suivant 6 heures et quart), lequel couple n'a pas encore d'enfants, mais Laura en veut et Paterson (le conducteur de bus porte le même nom que la ville dans laquelle ils vivent) n'est pas contre. En attendant, ils ont un bulldog anglais qui apporte une touche comique au film, car il est jaloux de Paterson (jalousie manifestée par de légers grognements de protestation chaque fois que Paterson fait des bisous à Laura) et, semble-t-il, de son oeuvre poétique. Le chauffeur de bus compose des petits poèmes en vers libres sur un "cahier secret" dont il n'existe aucun double et qu'il n'a encore fait lire à personne, même pas à celle qui partage sa vie. Un soir que ses maîtres se sont absentés, Marvin, le bulldog, fait des siennes... Mais ça ne déclenche aucun drame au niveau de ce couple. Il continue de filer le parfait amour ronronnant. D'ailleurs, qu'est-ce qui vaut la peine dans l'existence, sinon aimer et , comme le "Candide" de Voltaire, cultiver son jardin (via les poèmes de l'un et les cupcakes de l'autre) ?
Ça semble être le message évident du film qui commence et s'achève sur un plan du couple dormant quasiment dans les bras l'un de l'autre (cf l'affiche).
Techniquement, tout ça est fort bien fait. Il y a, indépendamment de l'incertaine valeur des poèmes qu'écrit Paterson, un mélange texte / images très maîtrisé. La photographie, la lumière, les extérieurs, le jeu des acteurs, notamment du couple : Adam Driver / Golshifteh Farahani, le montage, la bande son... tout m'a semblé très propre. Pour autant, l'histoire racontée, le rythme du film, le message évidemment délivré ne m'ont pas convaincu. J'ai cru y déceler quelque chose d'un peu, je le répète, spécieux, comme si Jim Jarmusch, en donnant à profusion au spectateur ce qu'il attend (bonheur à deux, douceur de vivre, plaisir de créer sans effort et sans stress), se moquait secrètement de lui, le berçait de douces illusions.
Résumons : 1. Le film est habilement fait et se regarde sans déplaisir. 2. Dormez, braves gens, nous nous occupons du reste.
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le 26 déc. 2016
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