Commençons par le début, Patients est clairement comme beaucoup le disent « un petit chef d’oeuvre » si ce n’est un grand. Les premières images placent clairement l’histoire dans son cadre de suite et elles ne sont pas posées là au hasard mais belles et bien travaillées pour impliquer et immerger le spectateur dans la peau du personnage puisque l’on voit à travers ses yeux dans les premiers plans. Comme son titre l’indique, le film parle d’hôpital, d’accidents, de patients, d’hommes et de femmes en blanc et du temps qui passe mais qui ne change rien à ce qui leur arrive. Patients c’est l’amitié qui naît dans un centre de rééducation entre 4 mecs et 1 nana pour qui, la vie a basculé ; c’est un groupe de jeunes qui tente de « niquer des heures » toute la journée, qui rigolent et qui pleurent rarement.
Une chose est sûre, ce film ne peut pas laisser indifférent, quelle que soit l’émotion ressentie, il fait réagir. Le mélange des genres est réalisé à merveille, les personnages jouent avec les émotions et nous font basculer d’un éclat de rire à une prise de conscience bouleversante. Beaucoup d’émotions sont croisées : l’humour laisse parfois place à la tristesse et c’est là toute la force du film : nous toucher dans ces deux versants. J’ai l’habitude de dire que les plus beaux moments sont ceux où l’on ressent tout à la fois ou en tout cas plusieurs émotions parce que ça rend ces moments intenses, et c’est ce que sont ces presque deux heures de films : un méli-mélo de sentiments, une intensité troublante. Alors à la fois, on se détend, on passe un bon moment, on rit fort sur les blagues bien sombres que les jeunes se font entre eux et parfois les têtes se baissent, les masques tombent et on comprend. Enfin, non, on ne comprend pas parce qu’on ne le vit pas, mais on prend conscience que derrière chaque fauteuil, il y a une âme, aussi belle qu’elle puisse être. On s’échappe un peu du monde des valides et on essaie de se déplacer avec eux ou ne serait-ce que d’imaginer mais on ne peut pas. Peu de moments sont là pour nous rappeler à l’ordre mais d’une certaine manière, ils le font tous parce que même à travers leurs vannes, les personnages nous touchent quand on saisit tout ce qu’il y a derrière. L’énorme carapace, la force, le courage et tout cet espoir qu’ils construisent ensemble ou séparément. Mais à vrai dire, on n’a même pas besoin de beaucoup de moments tristes pour réaliser, c’est aussi comme ça que les réalisateurs évitent de faire tomber le film dans le pathos. Les regards, les silences, les yeux baissés suffisent à nous remettre les pieds sur Terre. On voit la souffrance même dans les moments drôles.
La force des moments où ils sont tous ensemble donne un aspect totalement différent au film et ajoute la beauté de l’amitié et des liens fraternels à la longue liste de ce qui nous émeut. Le deuxième gros point fort de ce premier long-métrage repose sur le jeu des acteurs totalement extraordinaire de justesse alors qu’ils sont tous valides. Leur langage corporel, principale arme du comédien, disparaît dans ce film où ils jouent tous ou presque des tétraplégiques, pour nous saisir totalement grâce à leur précision et leur sincérité. Les réalisateurs nous disent lors de l’Avant-Première qu’il était une volonté de ne pas choisir de ‘grande vedette’ pour tourner dans Patients, et on comprend pourquoi. Comme le dit si bien une femme qui se lève au milieu de la salle et qui est applaudie « Il n’y pas besoin de grande vedette pour faire un grand film. » Ils n’ont sûrement pas encore toute la reconnaissance qu’ils méritent mais ça ne saurait tarder vu le talent qu’ils possèdent et le coup de maître qu’ils réalisent ici, en tout cas je l’espère et leur souhaite. Retenez bien leurs noms, on risque de revoir cette jolie bande composée de Pablo Pauly, Soufiane Guerrab, Moussa Mansaly, Nailia Harzoune et Franck Falise à l’écran.
Je me souviendrai de beaucoup de scènes dans ce film mais celle où ils vont tous dans la forêt et commencent à parler de leurs espoirs inadaptés à leur vie est l’une des plus fortes et des plus belles. Visuellement, elle convainc largement et du point de vue des dialogues, on reconnaît là, la justesse des mots de Grand Corps Malade, qui a su parfaitement adapter son livre en scénario tout au long du film. Dans ses blagues parfaites comme dans les moments plus sérieux qui nous touchent, il sait manier les mots pour en faire des dialogues fabuleux, drôles ou poignants qui nous retournent le coeur grâce à ne serait-ce qu’une seule phrase. J’ai réécouté bon nombre de ses chansons depuis que j’ai vu le film et j’ai ressenti encore plus intensément certaines d’entre elles que je connaissais déjà par coeur et compris encore plus le sens de beaucoup de phrases que je trouvais déjà marquantes. Mon admiration pour cet homme, pour son talent quand il écrit, pour l’amour qu’il porte au sport se confirme une nouvelle fois avec ce film, qu’il réalise en collaboration avec son meilleur ami Mehdi Idir, qui avait déjà réalisé beaucoup de ses clips comme Le bout du tunnel où l’on aperçoit d’ailleurs Izia (que j’aime un peu).
C’est un film dont on sort difficilement et dont les émotions agitent encore nos coeurs quelques minutes après la projection, surtout quand lorsqu’ils arrivent pour nous le présenter en avant-première, on se lève et les applaudit pendant 10 minutes avec à la fois le genre de silence qui force le respect et l’admiration. Beaucoup posent leurs questions avec la voix qui tremble, moi je ne sais même pas comment définir ce que je viens de vivre. Alors un conseil : foncez voir ce grand film le 1er mars ! Critique Originale ici.