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Dans ma cité angevine existe une avenue portant le nom de Général Patton. J’y suis passé maintes et maintes fois, sans jamais vraiment connaître les accomplissements de ce militaire de renom qui lui ont valu d’être honorifiquement titulaire d’une grande artère. C’est donc avec ce questionnement, jamais prioritaire mais obstinément présent dans un recoin de mon esprit, qu’a été motivé l’achat du film. Ça, et le fait que si j’associe Schaffner à la première adaptation de La Planète des Singes, je n’ai jamais vu aucune de ses œuvres. Et que découvrir un film de guerre, genre que j’affectionne de par la lumière qui peut surgir des périodes les plus sombres de l’Histoire (ce ne sera pas le cas ici), écrit par un certain Francis Ford Coppola pré-Godfather, ça se fait sans se forcer.


Dès l’introduction du bluray, Coppola explique en cinq minutes les difficultés qu’il a eu à écrire ce film. Patton, l’homme, était un personnage brut de décoffrage, un homme vulgaire et violent qui se complaisait dans la guerre, s’imaginait réincarnation de grands généraux du passé, qui ne jurait que par la discipline martiale et l’honneur, et dont le côté réactionnaire et tradi était clairement affiché . Une figure difficile à croquer sans la rendre caricaturale et exécrable, et pour laquelle il fallait un traitement qui permette de le suivre trois heures durant avec une fascination quelque peu morbide. Il fallait que le film puisse parler aux conservateurs comme aux libéraux. Le pari est plutôt réussi.


Patton, le film, parvient à expliquer le fonctionnement de Patton, l’homme, sans jamais nous faire nous attacher à lui. On comprend ses motivations, que le champ de bataille est son élément et sa raison d’être. Et derrière sa grandiloquence, il est également fragilisé par une incompréhension de ce monde qui tend vers plus diplomatie et de rondeur dans les discours. Il se retrouve mis sur le banc de touche malgré sa redoutable efficacité sur le front africain et le respect stratégique de ses pairs, puis est redéployé comme diversion, avant d’enfreindre à nouveau les règles établies dans l’alliance fragilement établie sous le commandement d’Eisenhower pour une percée monumentale sur le front ouest de l’Europe. Le général aux trois étoiles est une bête de guerre, une machine inarrêtable qui finira remisée car coincé dans un temps révolu. Tout le travail d’écriture derrière le film permet d’apprécier la complexité du personnage de prime abord monolithique puis finalement dépouillé de sa stature pour l'humaniser. Il reste une brute, à l’opposé de mes propres convictions sur la nature humaine, mais une brute comprise.


Tout ce travail est parfait par le jeu de George C. Scott (déjà gradé bourrin dans Dr. Strangelove, et taciturne au possible dans son rôle d’inspecteur du sympathique The Exorcist III), dont le physique taillé à la serpe convient parfaitement à cet homme graniteux. La musique, entêtante et militaire, de Jerry Goldsmith rajoute une surcouche sonore du plus bel effet, tandis que certains moments de bravoure resteront gravés en mémoire, et ce dès cette iconique scène d’introduction : un discours belliqueux de Patton, seul, face caméra, devant un drapeau américain remplissant tout l’écran.


Patton est une œuvre convaincante, riche, tant comme film de guerre que comme biopic, qui brosse le portrait d’une Amérique dont la belligérance semble sonner le glas tant son parcours dans les années soixante est à mettre en parallèle à celui du général éponyme. Les U.S. of A. en prennent pour leur grade.


Frakkazak

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