(Spoilers)
Marion (26-28 ans) et sa cousine Pauline (15) viennent passer 2 ou 3 semaines dans la villa que la première, styliste parisienne récemment divorcée, possède dans une petite station balnéaire près de Granville en Normandie. Elles y rencontrent successivement Pierre, un "vieil" ami de Marion qui retombe immédiatement amoureux d'elle, Henry, un ethnologue qui est là en vacances et à qui Pierre donne quelques cours d'aquaplane, enfin Sylvain, un ado du même âge que Pauline et qui très vite s'intéresse à elle, comme elle à lui.
Pierre, plutôt gentil et beau gosse, se prend un râteau avec Marion, alors qu'elle se jette quasiment au cou d'Henry. Il est pourtant plus âgé que Pierre et de physique juste moyen, mais sa villa donne directement sur la plage, au contraire de celle de Marion située trois, quatre kilomètres à l'intérieur des terres.
On a donc très vite deux couples, l'un d'adultes : Marion et Henry, l'autre d'ados : Pauline et Sylvain. Plus un Pierre qui, convaincu que Marion a fait le mauvais choix et qu'elle finira par le réaliser, ne lâche pas le morceau et attend son heure... bien que Marion lui ait clairement dit qu'il ne serait jamais autre chose pour elle qu'un ami.
Un après-midi, Marion emmène Pauline visiter l'abbaye du Mont Saint-Michel. Et durant ce laps de temps, se produit dans la villa d'Henry un "incident" qui, au retour plus tôt que prévu de Marion et Pauline, tournera aux quiproquo et imbroglio, lesquels, malgré des éclaircissements ultérieurs, provoqueront l'éclatement définitif des deux couples constitués.
Pierre sera rejeté comme étant celui qui, par dépit amoureux, a provoqué une situation de crise entre Henry et Marion en "caftant" à Marion qu'Henry, dès qu'elle a eu le dos tourné, l'a trompée avec une fille de la plage (Rosette).
Pauline, peut-être par solidarité avec sa cousine, ne pardonnera pas à Sylvain (qui n'en peut mais) d'être entré dans la combine imaginée au pied levé par Henry pour se tirer d'un flagrant délit de cocufiage en affirmant à Marion que si à son retour, elle croisait Rosette nue chez lui, c'est que celle-ci venait juste d'y coucher avec Sylvain.
Le volage et peu scrupuleux Henry profitera d'un coup de téléphone providentiel pour fuir la situation de crise (dont il était le premier responsable) et partir, le lendemain même des orageux éclaircissements qui suivirent, faire de la voile en Espagne.
Les deux cousines décideront alors d'abréger leur séjour et de rentrer à Paris.
Et le pauvre Sylvain, pourtant fautif de rien d'autre que d'avoir cherché à éviter un drame, restera gros-jean comme devant, abandonné sans même un baiser par sa petite amoureuse Pauline, avec pour seules perspectives la fin des vacances et le retour au lycée.
La morale (?) de tout ça étant donnée sous forme proverbiale par l'écrivain médiéval Chrétien de Troyes : "Qui trop parole, il se mesfait" (Trop de paroles, péché certain... selon la traduction de Larousse).
Pauline à la plage est sorti en mars 1983. C'est le troisième film du deuxième cycle rohmérien : Comédies et proverbes. On pourrait, quand on le visionne pour la première fois, le croire l'oeuvre d'un réalisateur d'à peine 35-40 ans, Rohmer en a pourtant alors 62 bien sonnés. C'est déjà son dixième long. Et le dernier qu'il réalise avec Néstor Almendros, son jusque là chef opérateur favori et ô combien talentueux.
Le film est joli, très joli, très joliment photographié, avec sensualité et même une pointe de perversité.
Les deux personnages féminins principaux, interprétés par Amanda Langlet (Pauline) et Arielle Dombasle (Marion) sont, elle aussi, très jolies : superbement photographiées, elles apparaissent complètement à leur avantage, Dombasle y exhibant les siens avec beaucoup de bonne volonté et pas mal de grâce.
Les mecs sont assez mignons, surtout le jeune Sylvain (Simon de La Brosse), un peu moins Pierre (Pascal Gregorry) ; quant à Henry, qu'incarne avec aisance Féodor Atkine, il est physiquement juste passable (on se demande ce que Marion lui trouve ; peut-être a-t-elle simplement faim).
L'histoire est racontée tambour battant, avec fluidité et sans temps mort. Les dialogues sont très écrits, comme toujours chez Rohmer mais avec légèreté. Beaucoup moins de discours philosophique, par exemple, que dans Ma nuit chez Maud et personne ne s'en plaindra.
Histoire charmante, cadre charmant (surtout la plage, mais aussi l'extérieur et intérieur des villas, leur jardin, etc.), casting encore une fois plutôt réussi, photo et lumière sublimes. Bref, le film est une petite merveille. Un tour de force ou de magie. Et tout simplement un chef d'oeuvre du cinéma français.
J'arrête là mes louanges. Rohmer n'en a plus besoin et, comme il nous l'affirme justement via Chrétien de Troyes, "Qui trop parole, il se mesfait" (que perso, j'entends littéralement comme : "Qui parle trop se fait du tort à lui-même").
J'ajouterai quand même pour conclure que Pauline à la plage est non seulement une description étincelante des différentes formes que peut prendre l'amour, mais aussi une peinture à la fois réaliste et idéalisée du monde. Un monde, sinon de bisounours, du moins où le mal (absolu) n'existe pas. Chez Rohmer, les villas de cette petite station balnéaire des bords de Manche ont rarement leur portail ou porte fermé à clé. Y entre qui veut.