Un film de Masaki Kobayashi que l’on pourrait rattacher au courant de la Nouvelle Vague japonaise. Il s’agit d’une adaptation d’un roman de Shusaku Endo, auteur réputé de l’après-guerre. Pavane pour un homme épuisé est assez exemplaire des questionnements qui traversent la société nippone au moment de sa sortie (1968), particulièrement le poids de l’héritage de la Seconde Guerre mondiale et du Japon nationaliste sur la génération qui les ont connus, entre refoulement et souvenirs douloureux.
Le début du film est intéressant puisqu’il y a une sorte de brouillage dans la narration assez intéressant sur le plan diégétique : deux points de vue sont comme confrontés ; celui du père, qui a perdu l’audition d’une oreille durant la guerre, et celui du fils, étudiant un peu paumé, héritier d’une génération désarmée face aux grands enjeux contemporains. À cela viennent s’ajouter des flashbacks plutôt bien intégrés, qui contribuent à densifier passagèrement l’intrigue.
Je dis passagèrement car le film souffre ensuite d’un problème de rythme, suscité par l’émergence de l’élément perturbateur (qu’il m’est impossible de révéler sans spoiler). Ce dernier n’est pas inintéressant mais franchement caricatural dans les positions qu’il incarne (en gros les idées nationalistes du Japon d'avant-guerre). Les liens entretenus par sa fille avec le fils du protagoniste contribuent à accentuer le sentiment que tout vient un petit peu trop proprement s’enclencher dans le scénario.
La mise en scène aurait pu aider à arracher l’histoire à cet académisme prononcé ; et quelques fois elle y parvient (comme lors de cette scène kaléidoscopique où un incendie survient dans le quartier, et où le personnage principal se retrouve bousculé dans une foule, les phares d’un camion dans le lointain jetant un éclair de terreur, comme une réminiscence des années de guerre avec ses sirènes prévenant des raids anti-aériens), mais cela reste assez rare. Globalement l’académisme de Kobayashi (que j’avais entrevu dans les deux tiers de La Condition de l’homme I qu'il m'avait été physiquement possible de visionner) se ressent bien ici. Seule la musique typique de la NV vient nous rappeler que c’est un film de 1968 et non de 1958 que l’on regarde là.
Ce n’est donc pas un mauvais film, loin de là, et je pense qu’il pourrait même être une introduction à la NV japonaise pour qui serait un peu trop frileux de se confronter directement aux mastodontes que sont Yoshida ou Masumura, pour ne citer qu’eux. Pavane pour un homme épuisé a le mérite de posséder un scénario convenu et lisible, et de ne prendre que peu de risques formels. Il délaye en revanche un regard intéressant sur des thématiques clés sur la période, avec une acuité relative.