Pearl
6.6
Pearl

Film de Ti West (2022)

Deuxième volet de la trilogie signée Ti West. Après un X flamboyant et sanglant (cf. critique précédente), le réalisateur s'attaque à l'origin-story du personnage de Pearl.

Le film s'ouvre en terrain connu : même décor, même ferme. Pourtant, dès les premières secondes de l'œuvre, West choisit d'inscrire son récit dans une atmosphère très différente du premier opus. La patine vintage est toujours présente, mais elle s'avère bien distincte de celle de X. Dites au revoir à l'immoralité et la débauche des années 70, et accueillez la pieuté et la noirceur de la première guerre mondiale.

Ce contexte, pourtant historiquement empreint d'une griffe macabre, va être singé par West. Ici, pas d'images de guerre, ou de teintes marronnasses. Mais plutôt un aspect enfantin, théâtral, voire cartoon. Le réalisateur propose un grain d'image et une colorimétrie très différente du premier volet, marquée par des couleurs bien plus vives, qui tranchent radicalement avec l'atmosphère poisseuse du récit.

Une palette de couleurs saturées qui (à la manière d'un Midsommar) dénote franchement, dans un genre horrifique à la photo habituellement sombre et fade. Néanmoins, la mort et le sang ne sont jamais bien loin, avec une omniprésence du rouge écarlate à l'écran, que ce soit dans les décors ou les costumes.

Ainsi, la radicalité de West est toujours aussi marquée, mais d'une manière assez distincte. Alors que X plongeait dans le slasher ultra viscéral et sanglant, Pearl opte pour une horreur bien plus psychologique. Le réalisateur américain enveloppe chaque séquence d'une tension étouffante, à travers la menace d'une folie meurtrière qui plane en permanence au-dessus de notre personnage principal.

On retrouve ainsi des séquences particulièrement graphiques, mais elles se révèlent bien plus rares et succinctes. Car ce ne sont plus les mises à mort qui intéressent West, mais tout ce qui pousse son personnage à les commettre.

Le cinéaste s'amuse par ailleurs à glisser des parallèles avec le premier film, notamment par le personnage du projectionniste, qui évoque l'éventuelle légalisation des films pornographiques à long terme. Même s'il assume sa stature de film standalone, Pearl s'insère ainsi à merveille dans ce grand univers horrifique alternatif, imaginé de toutes pièces par le réalisateur américain.

Un univers d'autant plus cohérent, que c'est à nouveau Mia Goth qui endosse le rôle principal, après avoir interprété simultanément Maxine jeune et Pearl vieille dans le premier volet.

Impossible alors de ne pas m'arrêter sur la performance de l'actrice britannique. Déjà superbe dans X, elle incarne ici une facette complètement nouvelle, mais tout aussi saisissante. Enfermée dans sa condition de fermière, entre une mère draconienne et un père paralytique, Pearl rumine en permanence sa solitude destructrice. Son rêve de beauté et de célébrité bouillonne ainsi en silence, et menace d'exploser à tout moment, rendant chaque séquence aussi imprévisible qu'anxiogène pour le spectateur.

Une volonté démesurée de revanche sur la vie, qui va complètement la plonger dans une folie dévastatrice. Jusqu'à un monologue final en plan-séquence, suivi d'un générique de fin improvisé, démonstration ultime du talent immense de la jeune actrice.

Malgré tout, à l'instar du léger défaut de rythme que j'avais relevé dans X, ce deuxième volet joue également sur un tempo très atypique, très haché. Et sans doute un peu trop. La plupart des séquences s'articulent autour du même enchaînement, à savoir une longue montée en tension, conduisant à une explosion de violence finale.

L'ensemble paraît ainsi un peu mécanique, et à vouloir trop les étirer, les séquences d'escalade anxiogène finissent par s'essouffler à plusieurs reprises.

Pour autant, West n'est pas avare en termes d'idées narratives et visuelles : de la valse avec un épouvantail à la scène de danse fantasmée sur scène, le réalisateur continue indéniablement de souffler un vent de fraîcheur inédit et jouissif sur le genre horrifique. Et malgré le rythme imparfait de l'ensemble, difficile de ne pas garder en tête certaines images fortes de l'œuvre, aussi brutales que splendides.

Mention spéciale au brossage de cheveux ou au câlin dans l'escalier (c'est vraiment pas aussi mignon que ça laisse entendre).

Quoique personnellement plus sensible à la radicalité spectaculaire et jubilatoire du premier volet, ce second opus reste une origin-story brillante, mais surtout le deuxième pilier d'une trilogie prête à marquer la décennie.

Fresque horrifique à la sauce Disney, Pearl est le conte glaçant d'une princesse s'imaginant trop belle, trop grande, et pourtant vouée à rester éternellement enfermée dans son bien triste château.


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le 19 août 2024

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