Le film commence fort et nous plonge directement dans une séquence introductive expérimentale et mouvementée qui éveille tous nos sens de part sa mise en scène et son traitement sonore. En effet, nos oreilles accueillent avec violence les cris, les rires presque « animal » de ces frères qui chahutent et notre regard, d'abord perdu dans les flammes, termine soudainement sa course sur le très gros plan d'un œil de vache malade.
Cette première séquence nous laisse alors perplexe. Paraissant sortir tout droit d'un film d'horreur, elle nous questionne sur la suite du film.
De fils en aiguilles, Peaux de vaches nous saisi davantage et prend une tournure plus complexe. Sous l'apparence d'un sujet simple, celui du retour d'un homme au pays, le film traite de choses bien plus profondes et oscille sans cesse entre amour, doute et conflit. En effet, il offre à voir un schéma rythmique très particulier mais régulier, passant de moments forts et féroces - telles que les scènes de bagards entre les deux frangins ou encore d'engueulades de couples – à des moments lents et silencieux, dans lesquels les doutes s'installent et pèsent sur la petite ferme de Beauval.
Le montage s’apparente réellement à un film western et joue entre les regards des personnages.
L'amour de la réalisatrice pour la nature et le milieu rural est perceptible, grâce notamment au traitement des corps dans l'espace – corps humains mais aussi corps mécaniques, comme celui des moissonneuses bateuses qu'on voit prendre vie à l'écran.
La caméra donne à voir différents points de vues, souvent placée au plus proche, elle pousse les personnages dans leurs retranchements les plus profonds, dans leur folie la plus intense (Gérard dégénerant au fur et à mesure du film) et finit par réunir tout cela avec simplicité, ce qui la rend d'autant plus brutale.
Cette mise en scène confine les personnages dans l'espace de la maison. A l'intérieur, il fait sombre et on se sent pris au piège avec les angoisses des personnages. L'arrivée de Roland semble alors rendre cette grande ferme beaucoup trop étroite pour tous, les couloirs surchargés de motifs ne faisant qu'accentuer la tension présente dans celle-ci. A l'inverse, dès que l'on sort de cette maison, on se retrouve lâché au grand air des Hauts de France, suivant alors Roland qui vagabonde seul sur les routes de campagnes (à l'image du chien errant) ou bien Annie qui court à perdre haleine pour retrouver sa fille tel un animal effaré.
Les personnages sont touchants et poignants, parfois même vont jusqu'à nous terrifier dans leurs gestes tendres et aimants (notamment dans le personnage de Roland avec la petite Anna). Je dirai d'ailleurs que c'est ce travail de contrepoint qui nous marque le plus, puisqu'il nous place dans des émotions en constante oppositions et nous interroge sur chacune des situations.
Je salue donc ce film dans lequel Patricia Mazuy fluctue sa mise en scène entre férocité et douceur, dépeignant un tableau humain plein de contradictions et de vérités.