Le cinéma sud-coréen, depuis le début des années 2000, a plutôt eu tendance de satisfaire les besoins d'amateur de films de genre. Très souvent des Thrillers (Old-Boy, Memories of Murder, The Chaser, etc), mais Le Dernier Train pour Busan, sortie en 2016, a quant à lui remis au goût du jour le film de zombie. Pour des tas de raisons qui seront explicités dans cette critique.
4 ans plus tard, reportée à plusieurs reprises, une suite (où l'ont peut voir écrit "Dernier Train pour Busan 2" sur les Bande-Annonces YouTube) a crée beaucoup d'attente. Ce qui lui cause(ra) sûrement des torts. Mais pas que.
(Deux points à préciser :1) je comparerais plus le film au précèdent-live, n'ayant pas vu Seoul Station, mais qui sont dans le même univers, et qui montre l'envie du réalisateur de varier les plaisirs et les angles dans son univers : film d'animation, film de zombie en milieu étroit, film de zombie avec des voitures et un côté post-apo. 2) Comme indique le premier point, des comparaisons seront faites avec Dernier Train pour Busan. Mais l'objectif est aussi de parler du film en lui-même. Car ses problèmes vont au-delà de l'héritage qu'il a).
Des bases prometteuses.
Le Dernier Train pour Busan n'était pas "révolutionnaire" au sens d'utiliser les zombies pour parler de fond, notamment politique (la question de l'environnement, de ceux qu'on ne veut pas voir - le sans-abri), ou de la nature de l'homme (l'égoïsme contre l'entraide, le sacrifice de soi pour ceux qu'on aime). Mais ces aspects ayant été assez perdus dans le cinéma américain, c'était une force du film, ce sous-texte en amont.
Dans ce contexte, Peninsula n'a rien à lui envier dans la forme : le virus ne s'étend déclaré qu'en Corée du Sud, la zone a été déclarée en quarantaine. La Corée du Nord va bien, et les survivants sud-coréens qui ont réussit à être transporté dans les pays limitrophes ne possèdent même pas le statut de réfugié. Ce sont des parias, que la pègre locale maltraite, voire utilise à son bon vouloir. Car si la "Péninsule" est une zone surveillée et qu'on ne peut pas y entrer, il n'empêche que les contrebandiers ont leurs passe-droits.
Le film nous fait donc suivre un ancien soldat de l'armée sud-coréenne et trois autres réfugiés, qui vont devoir revenir sur la Péninsule pour récupérer de l'argent pour un gang de Hong-Kong. Attaqués par un groupe de survivants, deux vont mourir. Le soldat va s'échapper à l'aide d'autre survivant, tandis que son beau-frère (membre du groupe) va être capturé. L'objectif du héros sera donc de libérer son beau-frère, prendre l'argent, et s'enfuir avec le groupe de survivant qui l'a aidé.
Base prometteurs donc, car le film sous-entend un univers qui a évolué avec la situation : "Péninsule", plus "Corée"; la thématique du traitement des réfugiés, leurs utilisations par les organisations criminelles, ce genre de chose. Et puis, ça dégringole.
Un film de série B ?
La série B, c'est généralement ces films un peu bas-budget, mais qui font de leur mieux. Une certaine tendresse s'en détache, même dans les maladresses et les facilités de scénario. Certaines peuvent être même réhabilitées avec le temps (Blade I et II).
La question se pose pour Péninsula, tant il est difficile de se dire que c'est le même réalisateur d'un film avec une telle réputation que Dernier Train pour Busan.
Décidant de s'inspirer de films comme Mad Max (c'est quand même pas de chance qu'il existe une bande de survivants dans le coin, que ça est TOUS des connards habillés de cuir, qui aime la violence, et qui ont des voitures, quand bien même protégées), le film se retrouve à être dans la caricature de ce dernier, autant dans ses scènes d'actions que sa caractérisation. Le grand méchant du film est un connard qui surjoue à fond sa connerie et sa méchanceté (même si bien interprété). Leurs passe-temps, c'est de regarder des prisonniers survivre, dans une cage, face à des hordes de zombies. Des références trop visibles, trop clichées.
Pareil pour les scènes d'actions en voitures. Je ne parlerais que brièvement ici des scènes de combats à pied, pour dire qu'elles sont généralement peu visibles, mais le choix des scènes en voitures est surprenant : ne possédant pas le budget nécessaire, les effets spéciaux sont visibles et dérangeants. Que ce soit les voitures en elle-même, les hordes de zombies, ou quand les voitures s'entrechoquent. On peut trouver au choix le montage trop épileptique, ou alors "correct", sans que cela relève le niveau de banalité de ces scènes.
Là aussi, la comparaison avec l'ingéniosité de rythme, de montage et d'ambiance avec le premier film est présente. Rien n'est "innovant" dans Peninsula. Si des gimmicks (ralentis, surjeux, moment d'absurdes ou surdramatique) n'étaient pas purement sud-coréens, j'aurais plus l'impression de voir un film américain.
L'utilisation des zombies dans le film suffirait à une critique/une partie complète, mais pour résumé : montré rapidement dans le film, le contexte enlève la peur que l'on a d'eux, notamment quand le plus gros soucis sont les survivants. Finalement, le zombie est là. Mais toute la peur crée par l'aspect exigüe du Dernier Train pour Busan (et la mise en scène) disparait complètement dans Peninsula. La faute, notamment, aux scènes d'actions en véhicule.
Mal branlé, le choix de faire un film d'action avec des zombies est sans originalité, et le divertissement est peu présent. Même si la scène avec les prisonniers face aux zombies (la première fois) fait partie des scènes réussies du film. Ce qui est rare, certes. Mais comme la caractérisation de ses personnages.
Problèmes d'angles abordés et de personnages
Le Dernier Train pour Busan nous faisait suivre des humains. Dit comme ça, c'est facile. Mais l'empathie n'était que plus forte pour un père de famille qui veut sauver sa fille et faire de son mieux pour elle, le mari un peu bourru, mais terriblement attachant, ou ce duo de vieille dame qui veulent rester ensemble. Non pas que le film n'avait pas de caricature, mais la réussite générale de l'œuvre amplifiait cet aspect, et le faisait marcher (aka le patron connard, détestable à souhait).
Peninsula n'y arrive pas, notamment par son angle : nous faire suivre un ancien soldat qui a des remords d'avoir laissé sa sœur mourir (et surtout ne pas avoir pris une femme et son enfant dans sa voiture, j'ai l'impression), pourquoi pas. Mais le film décide d'en faire quelqu'un qui tire toujours la tronche. Si cela marchait pour J'ai Rencontré le Diable (cela rendait le personnage non-humain, mais aussi rendait la scène finale encore plus forte), ici elle ne crée aucun sentiment : c'est seulement un ancien soldat super fort, qui tire la gueule et qui a des flashbacks. Sa backstory est d'ailleurs montrée dès le début, d'une manière tire-larme (violent, plan serré, ralentis).
Je parlais de problèmes d'angles. Car le groupe de survivant qui l'a sauvé, c'est en réalité la mère qu'il a refusé de prendre, et sa famille (deux filles, et un grand-père devenu fou). Problèmes d'angles, car il aurait été plus intéressant de les avoirs en personnages principaux : qu'est-ce que cela fait de grandir dans cette situation. Développer les liens entre les membres de la famille (qui les rendrait plus empathiques, mais surtout créerait un lien avec Dernier Train pour Busan). La mère étant une femme forte, et une scène de fin fait écho à celle du film précèdent :
Le sacrifice d'une mère, le sacrifice d'un père. Un aspect miroir, peut-être redondant, mais efficace.
Mais non, c'est le militaire le personnage principal. Résultat, ses compères sont sous-développés, et font plus office de fonctions : son beau-frère (personnage pathétique, typique sud-coréen, qui aura son moment de bravoure) qui ne sert qu'à lui rappeler ce qu'il doit faire. Le grand-père dit cash que son rôle, c'est de protéger ses petits-enfants. La mère, de lui permettre de dépasser ses remords. Les dialogues ne suivent pas non plus, à coup de phrases cucul ("tu as fais de ton mieux") qui rendent les choses encore plus ridicule, involontairement drôle par moment.
Personnages fonctions sur personnages fonctions; pas charismatique, pas assez développé pour être empathique. Le film est un échec à créer des personnages(au-delà d'aussi marquant que son prédécesseur)humains. Un manque de fond, en somme.
Conclusion : Où est le fond ?
Tout cela résume bien Peninsula : une forme, déjà discutable, qui n'a aucun fond pour le soutenir. Quid des thématiques ? des messages politiques, qui sont jeté à la volé dès les premières minutes ?
Peninsula est un ratage. Un ratage que je ne peux pas décrire de manière exhaustive; déjà, car cette "critique" est longue, mais aussi, car il y a tant à relever encore (les incohérences des personnages, les facilités d'écritures, la lumière, etc. Il est aussi possible de faire un paragraphe complet sur le mauvais dosage des genres qui fait le sel du cinéma sud-coréen). Il faut en retenir qu'il est décevant en tant que suite, mais aussi en tant qu'objet cinématographique.
Il reste à faire remarquer une cohérence avec l'envie de toucher le public internationale : dialogues par moment en anglais, personnage anglophone, éléments qu'on peut trouver dans de bien meilleurs films (Swing Kids, A Taxi Driver).
On peut se poser la question de pourquoi le film a été sélectionné pour le Festival de Cannes. On peut aussi se poser la question de pourquoi de tels choix ont été faits par le réalisateur, au vu de son budget. Il reste que Péninsula est un pétard mouillé, et à ce jour le plus mauvais film venant de la péninsule coréenne que j'ai eu l'occasion de voir.