On avait été avertis : "Peninsula", malgré - ou à cause de - son énorme succès populaire dans la... péninsule coréenne, ce n'était pas terrible. C'était largement en dessous du "Dernier Train pour Busan", petit divertissement savoureux qui avait fait une certaine illusion dans un registre "zombie ludique", finalement inhabituel. Pourtant, on espérait quand même passer un bon moment devant une série B bien allumée, comme on en faisait encore il y a trente ou quarante ans...
Cela ne sera malheureusement pas le cas, Yeon Sang-Ho confirmant son déclin précoce amorcé avec "Psychokinesis", en accumulant un nombre de tares rédhibitoires qui devraient lui valoir une excommunication immédiate, s'il ne subsistait pas dans "Peninsula" un tout petit peu de cette folie furieuse qui fait le charme du cinéma sud-coréen le moins auteuriste. On distribuera quelques bons points à l'introduction du film, faisant un joli clin d'œil à l'enfermement nord-coréen, rappelant le calvaire des migrants dont les bateaux ne sont les bienvenus nulle part, puis pointant l'ostracisme bête et méchant qui frappe aveuglement quiconque a le simple tort d'être de la mauvaise nationalité en des temps de panique générale : c'est de la politique bien basique, mais ça nous rappelle que John Carpenter savait allumer ce genre de mèche même dans ses divertissements les plus simplistes.
Et ce n'est pas pour rien que l'on pense très fort au début du film à Big John : le scénario de Peninsula est beaucoup plus inspiré par "New-York 1997" que par n'importe quel épisode de "The Walking Dead" ! C'est dire que les zombies, réduits ici à des silhouettes en CGI fauchées par des voitures lancées à toute allure dans les rues dévastées par la pandémie, ne sont absolument pas le sujet de film.
Tout ça ne part donc pas trop mal, mais on remarque rapidement de graves problèmes de crédibilité dans cette histoire : ces quatre ans d'abandon du pays qui en paraissent cinquante, vu l'état de la ville que doivent traverser nos héros-convoyeurs, ce couloir de circulation aimablement laissé ouvert par les véhicules accidentés et les morts-vivants, tout ça ne présage rien de bon, cinématographiquement parlant. Mais c'est quand le scénario s'américanise à outrance, avec gosses super-débrouillards, valeurs familiales préconisées chaque fois que possible (l'enfer des zombies, ce n'est pas l'enfer tant qu'on est en famille, tel est le message final de "Peninsula" : on croit rêver !) qu'on réalise qu'on n'est vraiment plus ici dans le cinéma sud-coréen, même bas de gamme, qu'on adore normalement, mais dans un divertissement standard conçu pour l'international, et ceci sans aucun complexe.
On passera sur toute la partie horriblement ennuyeuse au milieu du film, avec ses bandes de dégénérés qui s'amusent de peu mais ne nous amusent, nous, pas le moins du monde, et on se réveille quand même sur la longue adaptation de "Mad Max" qui termine presque (malheureusement pas tout-à-fait !) le film : ce sont là une quinzaine de minutes suffisamment féroces pour qu'on retrouve un peu le sourire, même s'il faut bien admettre que l'esthétique de jeu vidéo et le manque de réalisme cruel des "cascades" (CGI à gogo) nous rappelle combien le talent de metteur en scène de George Miller se situe à années-lumière de celui de Yeon Sang-Ho. Il convient alors pour garder un - relativement - bon souvenir du film de quitter la salle lorsque la course-poursuite se termine, le dernier quart d'heure dépassant en horreur n'importe quelle attaque générale de zombies putrides et hystériques : entre les torrents de larmes mélodramatiques qui se mettent à couler sur l'écran et le happy end le plus improbable de ces 5 dernières années, "Peninsula" décroche le pompon.
Vous voilà prévenus.
[Critique écrite en 2020]
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