Boredom of press
Deux grandes figures du cinéma Hollywoodiens, Spielberg et Eastwood, se laissent de plus en plus tenter à la figure balzacienne du romancier historiens : immersion dans une époque, dramatisation,...
le 7 févr. 2018
66 j'aime
11
Plusieurs fois, pendant la séance, on ne surprend à penser que Pentagon Papers résonne d'une drôle de façon en ce début d'année 2018.
On se surprend à penser, oui. Car on est littéralement absorbé par un tel sujet. Car Steven Spielberg n'a peut être jamais aussi bien filmé le suspense au coeur d'un scénario basé sur des faits réels. Même si chacun connaît la fin de l'histoire, même si l'on sait que la liberté de la presse triomphera, Steven se montre virtuose dans ses mouvements de caméra pour traduire la tension, alors même que ses personnages ne cessent pourtant de causer autour d'une table. Ou dans une conversation téléphonique multiple.
Il orchestre le suspense avec art. Et surtout avec trois fois rien. Le temps d'un cadrage typique, d'une situation classique faisant référence aux films noirs ou d'espionnage. Pareil pour la frénésie d'une rédaction sur les dents, d'un pool de journalistes disséquant un dossier épais comme le casier judiciaire de Carlos. Rien que pour cela, Pentagon Papers mérite d'être vu, tant il se suit avec une facilité déconcertante, preuve d'un propos pensé et mis à la portée de tous alors que les enjeux s'avèrent pourtant multiples et imbriqués.
Steven Spielberg nous dresse aussi le portrait d'une presse d'un autre temps, totalement révolu aujourd'hui à l'ère du 2.0 et de la news instantanée sans pour autant être vérifiée. Toutes ces investigations, ces réseaux, ces contacts et accointances, Pentagon Papers les dessine, tandis qu'en fin de bobine, c'est à une véritable visite guidée à laquelle on assiste, traçant la véritable chaîne de l'information, du journaliste aux rouleaux d'impression, actionnés à quelques minutes seulement du bouclage technique.
Pentagon Papers, c'est bien sûr cette presse érigée comme un pouvoir nécessaire. Un contre pouvoir face aux gouvernants, quatre présidents ici, piétinant sans vergogne la constitution à force de duperie et de mensonges à vocation patriotique. Sauf que l'oeuvre a le bon goût, accidentel peut être, de ne jamais se cacher derrière la bien pensance de l'information du public à tout prix, vertu un poil hypocrite qui ne sera presque jamais évoquée.
Car la presse de Pentagon Papers est montrée sous un jour plus réaliste, celle de la concurrence et de la compétitions entre titres rivaux, collusions un brin laxistes avec les sphères du pouvoir, ainsi que les intérêts économiques liés à la situation critique du Washington Post. Le film évoque aussi cette croisade en forme de combat corporatiste, tout en lançant des allusions transparentes à la gouvernance américaine actuelle et en la mettant en perspective avec l'affaiblissement du média. En faisant naître une sorte de nostalgie, doublée d'inquiétude. En effet, qu'en est-il aujourd'hui dans les rédactions ?
Pentagon Papers résonne aussi dans la figure féminine qu'il exalte, qu'il filme en train de prendre le contrôle et de s'émanciper. Comme Potiche l'avait fait avant lui sur un ton beaucoup plus léger et iconoclaste. Si les parangons de la libération patriarcale en feront sans doute une nouvelle icône, Steven Spielberg et Meryl Streep ont plutôt choisi la mesure en la filmant et en l'incarnant dans tous ses doutes et ses incertitudes, dans un souci de transmission et de conservation d'un patrimoine et d'une institution.
Dommage seulement que Spielberg se montre à l'occasion un peu trop démonstratif et appuyé, le temps d'une ou deux scènes dont la volonté de rester en mémoire est manifeste, alors qu'elles se montrent un peu maladroite dans l'exécution. Mais je pinaille, comme d'hab'. Parce que finalement, Pentagon Papers ajoute une superbe ligne, enthousiasmante et passionnante, au CV de son réalisateur. Encore une fois.
Behind_the_Mask, presse qui roule : qu'est ce que c'est cool !
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Une année au cinéma : 2018 et Les meilleurs films de 2018
Créée
le 24 janv. 2018
Critique lue 5.5K fois
69 j'aime
9 commentaires
D'autres avis sur Pentagon Papers
Deux grandes figures du cinéma Hollywoodiens, Spielberg et Eastwood, se laissent de plus en plus tenter à la figure balzacienne du romancier historiens : immersion dans une époque, dramatisation,...
le 7 févr. 2018
66 j'aime
11
Ode à la liberté du quatrième pouvoir, Pentagon Papers relate, à l’heure des fake-news et du mouvement de suspicion généralisé à l’égard de la presse, les trajectoires simultanées d’une femme pour...
Par
le 24 janv. 2018
64 j'aime
3
Tout juste après Lincoln et Le Pont des Espions, Steven Spielberg continue à mener son combat qui voit se défier l’humain et son aura démocratique face aux autorités. Avec son dernier film Pentagon...
Par
le 24 janv. 2018
57 j'aime
3
Du même critique
Le succès tient à peu de choses, parfois. C'était il y a dix ans. Un réalisateur et un acteur charismatique, dont les traits ont servi de support dans les pages Marvel en version Ultimates. Un éclat...
le 25 avr. 2018
205 j'aime
54
˗ Dis Luke ! ˗ ... ˗ Hé ! Luke... ˗ ... ˗ Dis Luke, c'est quoi la Force ? ˗ TA GUEULE ! Laisse-moi tranquille ! ˗ Mais... Mais... Luke, je suis ton padawan ? ˗ Pfff... La Force. Vous commencez à tous...
le 13 déc. 2017
193 j'aime
39
Le corps ne suit plus. Il est haletant, en souffrance, cassé. Il reste parfois assommé, fourbu, sous les coups de ses adversaires. Chaque geste lui coûte et semble de plus en plus lourd. Ses plaies,...
le 2 mars 2017
186 j'aime
25