Suite spirituelle de Sailor et Lula, Perdita Durango est également une histoire d'amour atypique, ici sous forte influence de Tueurs Nés. Perdita et Romeo sont en effet deux anti-héros qui fondent leur mythe conjugal dans les exactions crapuleuses qu'il mènent, kidnappant un couple de jeunes perdreaux pour leur faire vivre les pires outrages ou convoyant un camion de fœtus pour le profit d'un baron mafieux local. Le film donne toute sa place à la culture latinos qui existe à la frontière mexicano-américaine, sans cesse traversée par les personnages au gré de leurs tribulations. On pensera ainsi au cinéma de Rodriguez, d'autant plus que Alex de la Iglesia joue la carte du traitement pop, et parfois méta avec références geeks (Santo, Batman...), de son histoire.
Mais là où tout me plait sur le papier, ce ne fût pas la même à l'écran. Parvenir à rendre attachant le parcours violent des personnages principaux n'est pas chose aisé et malheureusement le réalisateur n'y parvient pas. Perdita et Romeo demeurent des êtres détestables dont les agissements paraissent totalement gratuits et vides de sens ; on pourra toujours penser à une sorte de revanche des Latinos sur les gringos mais même cette idée, citée par un des jeunes kidnappés, semble être un sujet d'amusement. Comme tout le reste d'ailleurs, car De la Iglesia privilégie une approche youpitralala on rigole, à grands coups d'incessantes provocations de sale gosse, qui, à défaut d'assumer vraiment la violence parfois sordide qu'il déploie, vire souvent au puéril ou au problématique (telle cette scène de viol où la victime finit par être active). Moi je veux bien l'ode à la liberté totale et à l'explosion de tous les carcans mais tel qu'on le voit à l'écran, ça ne donne pas envie d'y participer.
De plus, j'ai trouvé le personnage titre Perdita Durango bien vide, sans réelle matière scénaristique, la pauvre Rosie Pérez n'ayant pas grand chose à interpréter. Javier Bardem s'en sort mieux et parvient à canaliser suffisamment un (sur)jeu d'acteur bouillonnant (un peu dans le lignée de Cage) pour donner vie à son banditos, mais il est aidé par un background plus épais (son enfance sur la Petite Caraïbe, sa pratique de la sorcellerie Santeria et son lien au cinéma). C'est d'ailleurs lui qui me reste le plus en tête à distance du visionnage. Pour le reste, sorti d'un post-doublage parfois catastrophique (on dirait alors du ninja-flick hong-kongais !), le film propose une belle production value, avec de nombreux décors et personnages, et une réalisation de bonne qualité. Bien que n'ayant pas vraiment accroché, je ne regrette en rien d'avoir découvert cette œuvre de De la Iglesia sur grand écran, dans une belle copie director's cut. Merci donc encore et toujours à Back to the Bobine pour oser une programmation éclectique, au risque de n'avoir que 10 spectateurs dans la salle.