Franchement, j'étais réticent. C'était un peu un choix par défaut, parce qu'on s'était dit avec des copains qu'on irait au ciné, et dans la tranche horaire préemptée, il n'y avait guère que ça qui était tentant. Alors bon, j'y suis allé, un peu résigné : j'attendais une comédie romantique française, un peu douce amère, avec des gags gentillets et quelques moments de posture intellectuelle vaguement parisiens, voire boboïsants. J'étais ainsi chaud bouillant pour partir sur une critique dans un mode : ça y est Swann Arlaud s'oriente vers des rôles où il joue un type qui exerce une profession socialement dévalorisée (après l'agriculteur, le flic donc) dans une campagne bien reculée et mise à l'écran telle que les parisiens la voient.


Eh bien force est de constater que je me suis trompé, comme quoi il ne faut jamais se laisser influencer par ses préjugés pas plus que par une bande-annonce mal fichue. Ou peut-être bien conçue pour attirer le public que j'évoque, si l'on lit entre les lignes, plus haut : qui sait ? Sauf que Perdrix, même s'il a été tourné avec de petits moyens, est loin d'être un mauvais film. En tout cas, il dégage une impression de véritable originalité dans la forme, tant sur un plan cinématographique que narratif. Beaucoup d'humour, de plus, avec des gags et dialogues bien torchés, tendant la plupart du temps nettement vers le burlesque ou l'absurde. Et j'ai d'ailleurs rapidement réalisé mon erreur : le film démarre sur une des meilleures chansons de Manset...


Et la poésie également. Ce n'est pas, en aucune façon, un film qui se voudrait réaliste. Mais certaines scènes sont franchement délirantes, tout en restant touchantes, pleines de tendresse et de sens. Pas facile à faire, mais, en l'espèce, prise de risque payante pour le réalisateur. Et ce n'est pas, de plus, mon registre habituel. Il faut s'y reprendre à deux fois pour m'accrocher dans ce style : je déteste Tati. Donc, bravo, car j'ai passé un vrai bon moment. D'autant, et c'en est peut-être la raison, que le film aborde, avec finesse et justesse, un certain nombre de ces thèmes dit universels : la famille, l'amour, la destinée, la mort, l'ennui, et, plus généralement la vie. Le tout interprété avec beaucoup de justesse, ce qui concoure bien entendu à l'impression favorable qui s'en dégage.


Je conclurai par un parallèle avec un autre film vu en 2019 : Le Daim. Peut-être parce que les deux montrent des paysages de montagne magistralement filmés. Mais attention, si le cervidé habite du côté obscur de la vallée, le gallinacé, lui, a pris place sur le versant le plus lumineux.

Marcus31
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le 8 sept. 2019

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