La vie à coups de javel
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Perfect Days de Wim Wenders est un film qui peut évoquer des sentiments assez ambivalents chez le spectateur.
De mon voisin proche, que la salle a eu l'occasion d'entendre ronfler paisiblement pendant les 20 dernières minutes du film, à mon voisin encore plus proche qui ne pouvait s'empêcher de rire avec élégance devant chaque toilettes publiques japonaises, on peut dire que Koji Yakusho a su, en peu de mots, convaincre.
Incarnant, un petit employé des toilettes publiques de Tokyo, il arpente avec régularité, toute la semaine de superbes toilettes pour les nettoyer du sol au plafond. Quand il ne travaille pas, il lit, prend des photos argentiques des arbres, boit un verre le soir et va au bain public. Il ne se passe pas grand chose, et pourtant.
Un prix d'interprétation masculine à Cannes amplement mérité, tant chaque expressions d'un personnage un peu hors du temps et de l'époque, arrivent à saisir avec justesse les moments anodins de ce vieux célibataire ermite : Le plaisir de prendre chaque matin son café en canette, regarder le ciel, écouter sa cassette vintage années 70, récurer les chiottes avec le même professionnalisme, (voir passion), qu'on entretiendrait un petit bonzaï, etc.
C'est évidemment une apologie d'un accès au bonheur simple, par le biais de l'émerveillement permanent, et peut être un peu soutenue par une vision de la culture japonaise caricaturale. Pour autant, ce qu'on retient de ce long métrage, c'est sa sincérité, la sincérité de ses personnages, qui font l'économie des mots, de ces séquences qui font l'économie de la B.O, pour que le temps passe de manière assez fidèle.
Le film est porté par une photographie de Franz Lustig irréprochable, qui n'est pas sans rappeler la précision de Paris Texas, et qui sert à merveille des plans qui laissent au public le soin de comprendre avec délicatesse les personnages et leur humanité.
On pense notamment à la scène, où la nièce d'Hirayama lui demande avec inquiétude de quel monde elle vient (entre celui de son oncle, et celui de sa mère) ? Il ne répond pas, mais s'arrêtent tous les deux au milieu du pont, sans rien dire, juste parce que le ciel est joli.
Quand on regarde à travers Hirayama, la cime des arbres pendant la pause déjeuner, on y trouve une petite sensation d'éternité, on regrette peut être l'absence de verdure dans nos villes, et on espère arriver à trouver la paix dans la cuvette des toilettes.
Je ne sais pas si j'arriverai à trouver l'éternité dans les feuilles tremblantes, mais c'est après ce film que j'ai réussi à percevoir une forme de beauté, dans le ronflement métronomique de mon voisin narcoleptique.
Créée
le 20 juin 2023
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