La vie à coups de javel
Perfect Days version Wim Wenders, c’est la chanson au singulier de Lou Reed, sans l’âpreté de la voix de Lou Reed, sans l’ambiguïté de son “You’re going to reap just what you saw”, geste de...
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le 16 déc. 2023
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Wim Wenders n'a jamais caché sa fascination pour le Japon. Il suffit de voir son immense admiration pour l'immense Yasujiro Ozu, observateur des mutations de la société de son pays par l'angle d'analyse de la classe moyenne de ce dernier. La séquence lors de laquelle la propriétaire d'un bar-restaurant chante ne détonnerait pas dans une œuvre du réalisateur du Goût du saké.
L'Allemand Wenders est comme un étranger enthousiaste, ayant soif de découvrir et d'exposer la culture et les plus petites spécificités de cette nation située à l'autre bout du monde, qui a su conserver son identité propre, en dépit de la mondialisation. Le moindre élément du quotidien des Japonais, le plus banal, a sa place dans ce Perfect Days. Et je le comprends, en partageant entièrement cet enthousiasme. C'est en bonne partie pour cette raison que j'ai bien aimé l'ensemble.
Dans cette optique, on suit quelques jours, du lever au coucher, de l'existence d'un nettoyeur de toilettes publiques quinquagénaire à Tokyo (incarné par l'excellent et charismatique Kōji Yakusho !). Il fait consciencieusement son boulot, toujours avec les bons produits, les bons outils, sans oublier d'enlever la plus petite tache. Il a une routine bien établie, aussi bien dans sa vie professionnelle que dans sa vie personnelle. Il fréquente (ou voit !) les mêmes personnes, les mêmes magasins, les mêmes restaurants, les mêmes bains. Il est passionné par la littérature, les plantes et la photographie argentique en noir et blanc. À part un vieux portable à clapet par nécessité pour son travail, il n'utilise pas les technologies et les modes de diffusion qui ont tout chamboulé ces deux dernières décennies. Il écoute de la musique que sur de bonnes vieilles cassettes audio (The Animals, Otis Redding, Nina Simone, Patti Smith, Lou Reed évidemment... il choisit parmi le meilleur du meilleur !). C'est un célibataire taiseux, gentil, serviable, mais qui évite le plus possible toute interaction sociale...
Pendant le premier quart du film, on suit une de ses journées de travail normales, sans le moindre accroc, comme il y en a eu certainement des milliers auparavant. Puis, dès le deuxième jour représenté, il y a des éléments extérieurs qui perturbent l'existence bien établie de notre protagoniste. Cela ne va pas s'arranger par la suite... Mais il n'y aura pas que du mauvais. Au contraire, la balance penche nettement plus vers le positif (notamment ses contacts avec la jeunesse !), car cela va le forcer à sortir de la carapace qu'il s'est construite, tout en permettant au spectateur d'en savoir un peu plus sur lui...
Wenders a habituellement un style porté volontiers vers le contemplatif. Raconter en prenant son temps. Et ici, ça colle parfaitement avec le récit et son cadre. Toute cette délicatesse, toute cette chaleur humaine, avec un soupçon de poésie, sur un mode zen, sans jamais y aller avec une lourdeur qui risquerait d'ôter toute vraisemblance. Et on a la preuve que l'intime et l'infime peuvent être aussi forts et captivants que la plus grandiose des épopées.
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le 1 déc. 2023
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