Perfect Mothers par pierrick_D_

On a échangé nos mamans.Roz et Lil,deux quadras australiennes,sont d'inséparables amies depuis l'enfance et habitent de belles villas voisines en bord de mer.Elles y passent leurs vacances d'été entre bronzette sur la plage,bains de mer et apéros vespéraux,c'était le monde d'avant,en compagnie de leurs fils Ian et Tom,deux apollons d'une vingtaine d'années.Jusque-là tout est normal mais ça va bien partir en vrille.Lil est veuve depuis un certain temps,Roz s'éloigne de son mari,et elles reluquent les garçons en loucedé.En même temps,chacun des fistons a parfaitement capté que la maman de son pote est du genre MILF trop trop bonne.Roz et Ian sont les premiers à craquer,ce que Tom grille illico.Il se dit alors qu'il n'y a pas de raison qu'il se la colle derrière l'oreille et il va derechef se taper Lil.Tout le monde étant au courant de la situation,une légère gêne s'installe pour vite faire place à une ambiance plus détendue de sexualité libérée.Cette sympathique partie carrée durera deux ans avant que le réel ne reprenne ses droits.En 2013,la française Anne Fontaine se lançait donc à l'international avec cette production franco-australienne signée Gaumont et comptant parmi les producteurs délégués Dominique Besnehard,Philippe Carcassonne ou l'actrice Naomi Watts qui tient un des rôles principaux,tournée en Australie avec une distribution anglophone mêlant américains,australiens et britanniques.L'histoire est adaptée d'un roman de Doris Lessing,"Les grand-mères",le scénario et les dialogues étant l'oeuvre du dramaturge Christopher Hampton,très branché cinéma et qui a même réalisé trois films dont le premier,l'assommant "Carrington",eut en son temps un certain retentissement,glanant notamment Prix Spécial du Jury et Prix d'interprétation au Festival de Cannes 1995."Perfect mothers" se révèle d'un ennui distingué et Fontaine nous fait une démonstration de son indéniable talent pour brasser du vide au son d'une musique violoneuse.Les personnages sont des bourgeois bêtes,riches et prétentieux,on est directrice de galerie d'art,marchand de yachts,prof d'art dramatique ou metteur en scène de théâtre,on se fait dorer le nombril sur la plage ou sur un ponton au large,on fait du surf,on nage,on entretient des conversations creuses,merci Hampton,en sirotant des pinards très chers,c'est la dolce vita et cette atmosphère émolliente et épicurienne encourage les ébats horizontaux.Ca pourrait au moins être sensuel,après tout la baise est au coeur du dispositif,mais les auteurs sont sans doute limités par le puritanisme anglo-saxon et il n'y a pas de quoi s'exciter.Si c'est la carte du scandale et de la transgression qu'on voulait jouer,c'est raté aussi car le film arrive un peu tard pour ça.Claude Berri avait sorti "Un moment d'égarement" en 77 avec une histoire assez similaire,même si un seul des deux pères s'envoyait la fille de l'autre.Heureusement le dernier quart du métrage vient donner de la densité au récit,ce qui est probablement dû aux écrits de Lessing,en exposant enfin les enjeux de l'oeuvre.Tom est parti à Sydney étudier le théâtre,il est tombé amoureux d'une jeune actrice-chanteuse,et Lil morfle salement.Eh oui,on a beau se dire que c'est pour le fun,qu'on sait que ça ne pourra pas durer,on ne parvient pas à encaisser le choc quand la facture est présentée.La solitude retrouvée,les années qui s'impriment dans un miroir qui ne fait pas de cadeau,l'illusion de la jeunesse qui s'estompe,la fête est finie et ça fait mal.Parallèlement,et pour éviter de subir la même déconvenue,Roz choisit de rompre avec Ian,qui lui est toujours fou amoureux d'elle.Du coup c'est le jeune homme qui souffre et qui en veut à son amante.Par dépit,il épousera une fille de son âge,Tom et lui feront des enfants,transformant leurs mères en grand-mères,jusqu'à ce qu'une explosion finale inattendue ne détruise ce bel ordonnancement factice,tout se terminant énigmatiquement avec le quatuor allongé sur le ponton,comme au bon vieux temps.Comme demain peut-être?Cette dernière partie évoque avec sensibilité les brûlures amoureuses,les affres de la différence d'âge,le poids des convenances et aussi la force de l'amitié car si Roz largue Ian,on a l'impression que c'est autant par souci de se préserver et d'anticiper des lendemains pénibles que par solidarité avec sa copine,pour partager son malheur.La distribution est très convaincante,Naomi Watts et Robin Wright étant superbes dans les restes d'éclat de leurs beautés déclinantes et suffisamment justes et émouvantes pour sauver une histoire qui aurait pu être glauque.Les jeunes sont très bons également,qu'il s'agisse de Xavier Samuel ou de James Frecheville qui sera impressionnant en psychopathe calibré dans "A day to kill" tourné juste après "Perfect mothers".Ben Mendelsohn,décidément inévitable dans le cinéma actuel,incarne tranquillement un mari trompé trop calme.