Un gangster "old fashion" poursuivi par ses anciens collègues trouve refuge chez une rock star décadente en pleine crise d'inspiration. Voilà pour synthétiser un max l'intrigue du fameux Performance.
Sur le moment les critiques furent assez tièdes pour ne pas dire assassines. Performance (ou Vanilla) n'a reçu ses lettres de noblesse qu'avec le temps. Est-ce en raison d'une forme de nostalgie pour l'âge d'or stonien, ou pour le cinéma vaguement expérimental britannique pris en tenaille par la Nouvelle vague française et les expérimentations d'Antonioni que l'on place ainsi ce film d'ambiance dans le panthéon du cinéma outre-manche ? Probablement.
Toujours est-il que les effets de distorsions, filtres, effet loupe (la panoplie du film anglais des 70's en somme), le montage déstabilisant, les références à Burroughs, à la transcendance mystique et aux drogues sont bien loin de masquer la vacuité notable du film. En l'absence d'histoire et de dialogues mémorables, ils ne font qu'ajouter une couche de prétention.
L'entame présente de manière assez confuse un procès contre un mafieux, et les expéditions punitives de ses hommes de main. L'un d'entre eux, Chas (James Fox) s'attaque à la mauvaise personne et se voit contraint de fuir vers les États unis pour sauver sa peau.
En cavale, il se cache dans un manoir délabré de Notting hill peuplé de créatures hippies : Pherber (Anita Pallenberg), une spectaculaire succube avec le visage de Sienna Miller et l'éclat de folie dans les yeux de Charles Manson, Lucy (Michèle Breton) une française androgyne qui ressemble à Jagger, une enfant dont on ne sait absolument rien et dont la présence dérange un peu vu les moeurs libres de la maison, et enfin Turner - Jagger, la star en retrait du monde qui lit tout haut du Borges et qui se maquille à la truelle.
Tout ce petit monde se chicane vaguement, entre conso de champi hallucinogène, et scènes de cul plus ou moins explicites (la légende veut que Micky et Anita aient été suffisamment convaincants pour que Keith Richard, officiel d'Anita rapplique sur le tournage et que le monteur détruise les bobines devant les réactions horrifiées des producteurs).
Le dernier tiers du film ne réveille pas plus que cela le spectateur. Le gangster viril se retrouve affublé d'un perruque rousse et d'un maquillage outrancier un peu comme Merlot dans le gendarme en balade, (eh ouais ça vise le Harold Pinter de The servant et ça tape chez Jean Girault...) et expérimente sa connexion avec sa part féminine ignorée, dans le même temps Mick se retrouve en "vrai mec" le temps du clip Memo from Turner (et on pense à Tommy de Russel, une fois de plus chez Roeg).
L'ambiguïté sexuelle se résume à des faux semblants (Chas qui roule une galoche à Turner... qui se révèle être en fait Lucy). Peut-être que le montage de la prod a voulu rappeler à l'ordre les créateurs, la post prod ne s'est pas faite sans heurts après tout.
Une chose est sûre, le film a eu une influence absolument incroyable sur la scène rock britannique, (E=MC2 de Big Audio Dynamite, Performance & Mad Cyril des Happy Mondays comportent des extraits du film, le nom chanteur de Menswear Johnny Dean vient de la fausse identité de Chas le gangster, my funny little frog réplique du film et titre d'un morceau de Belle and Sebastian...).
Je ne peux pas m'empêcher de penser que la même histoire avec Molinaro à la réalisation, Michel Constantin en gangster, Sophie Daumier à la place Pallenberg et Polnareff dans le rôle de la rock star perdue aurait pu donner lieu à une comédie franchouillarde sympa.
D'ailleurs un an avant Performance sortait sur les écrans français "Le diable par la queue" de De Broca, qui proposait déjà un peu la même intrigue de base. Montand en gangster marseillais trouvant asile dans un château délabré dans l'Ain tenu par une famille noble désargentée. Pas un chef d'œuvre non plus, il faut l'avouer. Faut croire que le matériau de base ne saurait proposer plus qu'un ptit nanard sympa.