Difficile de parler d'un film aussi dense tant l'approche psychologique de ses personnages est profonde. Dès le début du film, le réalisateur brouille les pistes avec un mélange au montage syncopé fait de séquences métaphoriques avec notamment cet enfant qui touche le visage d'une femme sur un mur (comme pour présenter la relation mère/fils qui sera importante pour l'une des deux protagonistes) et d'images subliminales (pénis en érection, l'araignée comme représentation de dieux).
Puis Persona rentre vite dans le vif du sujet avec cette actrice qui perd sa voix lors d'un tournage et qui s'enferme dans ce mutisme,par prise de conscience du faux semblant de son métier et de sa vie. Elle sera prise en charge, médicalement parlant, par une infirmière. Les deux femmes, vont alors s'isoler, dans la demeure de l'actrice sur une île.
Le film est une sorte de huis clos à la fois physique puisque le film se déroulera uniquement dans cette demeure et à la fois psychologique, car plus on s'enfonce dans cette oeuvre psychanalytique, plus les deux femmes vont se lier, se déchirer jusqu'à à la confusion totale des personnalités. Elisabeth est une actrice, complètement perdu et qui ne veut plus parler. L'un des premières scènes avec son médecin nous permet de comprendre le pourquoi du comment: pour l'actrice, parler c'est jouer un rôle, c'est mentir aux autres. Parler c'est se sociabiliser, c'est s’aliéner vis à vis des autres, comme une sorte de multiplicité des personnalités.
Par la suite, on comprendra son mutisme vis à vis de son mari, qui est aveugle. Comme il est aveugle, son mutisme la rend transparente et presque immatérielle, pour mieux se cacher de sa vie et de ses responsabilités. Cela s'exprimera aussi par cette scène où Alma prendra la place d'Elisabeth par rapport à son mari et elle en aura honte, comme un péché commis. Alma, quant à elle, est une infirmière lambda avec sa vie avec son fiancée mais ses travers (adultères et avortement). Les deux actrices sont parfaites dans leur rôles.
Petit à petit cette distension entre les femmes va les réunir dans la confusion. Assez hermétique et très froid dans ses premières minutes, le film devient de plus en plus vivant, fascinant, où une ambiance érotique va s'installer entre les deux femmes, mais qui sans le savoir, sera le fruit de l'imagination d'Alma, ou pas.
Mais suite à la lecture d'une lettre d'Elisabeth écrite à l'intention de son médecin, Alma va se braquer et tomber dans une sorte de folie paranoïaque. Elle parle beaucoup, donne beaucoup, elle se confie mais à son insu. Persona, est une oeuvre sur le subconscient et sur les fêlures de l’âme humaine. Son esthétique s'inscrit parfaitement dans cette lenteur avec un jeu de lumière sur les corps des deux femmes et cette mise en scène au plus près de ses protagonistes.
Mais le fait de se confier, lui fait aussi se poser des questions sur elle même et sur ses multiples facettes face aux autres. Au fil des minutes, une relation dominé/dominant s’installe mais sans savoir qui prend le pas sur l'autre. Les deux femmes, sont presque quasiment les deux facettes d'une même personne. Visuellement cela est présenté par une scène magnifique où Alma explique ce qu'elle pense de la relation entre Elisabeth et le fils de cette dernière.
La scène n'est pas filmée en champs contre champs mais est montée deux fois, une fois en scrutant le visage et les émotions d'Elisabeth et une autre en faisant la même chose sur le visage d'Alma, pour se finir par un plan rapproché sur un visage combinant les visages des deux femmes. Difficilement compréhensible par tous ses aspects, Persona n'en reste pas moins une oeuvre hypnotique où la folie et la force émotionnelle des ses deux femmes prennent corps crescendo, pour ne plus nous lâcher, même après le film.