Un film typiquement bergmanien que ce Persona. Oeuvre remarquable que le cinéaste suédois aurait commencé à imaginé lorsqu'il était sur son lit d'hôpital, en raison d'une pneumonie. Bergman va, avec cette oeuvre, nous plonger dans les tréfonds de l'âme, nous parler de l'être humain à travers deux femmes, de la jalousie qu'il va pouvoir naître. Plongeons joyeusement dans le psychisme humain à travers ce Persona.
L'oeuvre s'ouvre de manière assez étrange. Une introduction assez remarquable. Une lampe s'allume, le spectateur est plongé dans un projecteur. Des images défilent: une mygale, une main clouée, un mouton égorgé,... Différentes images jusqu'à ce qu'on arrive sur le personnage d'Elisabeth. Invitation faite par Bergman de nous projeter dans l'histoire? Le fait de nous placer dans le projecteur ne nous laisserait-il pas penser qu'on va nous-même être un pion important de l'oeuvre? Un acteur à part entière? Persona s'adresse à nous via cette manière.
Pour Bergman, il semble également clair que l'être humain possède deux types de personnalité. Celle qu'on montre et celle qu'on est réellement. Chaque homme ou femme possède ainsi un masque (tiens tiens, une des significations de Persona) qu'il montre lorsqu'il est en société mais qui tombe une fois qu'on retombe dans un domaine plus privé. Bergman fait clairement référence à Jung. Ce dernier évoquait également les masques sociaux que possèdent l'être humain.
L'oeuvre, c'est aussi la relation entre deux personnages: Elizabeth et Alma. Elizabeth s'arrête brusquement de parler lors d'une représentation théâtrale. Son masque tombe (Persona signifie aussi un masque d'acteur). Elizabeth semble être devenue totalement insensible. Elle ne semble avoir des sensations que lorsqu'elle regarde la télé, fenêtre ouverte sur la réalité. Elle y voit la souffrance du monde (un homme qui s'immole, un enfant juif menacé par des Allemands en armes). Quelles sont les raisons de son silence? Pourquoi? C'est ce que Alma va tenter de découvrir. Elle va accompagner la guérison de l'actrice dans une maison reculée, au bord de la mer. Mais les choses vont se corser. Qui est réellement malade? Qui a besoin d'aide? Elizabeth va restée murée dans son silence. Alma va se dévoiler. L'infirmière va devenir la soignante. Elle va se confier. Les rôles s'en trouvent inversés. Le masque d'Alma tombe. Alma aime Elizabeth. Un amour platonique certes mais il est bien présent. Avec Persona, on se trouve également souvent à la frontière entre réalité et fiction (on peut rappeler alors la séquence de la télévision où l'image de la TV prend tout l'écran). Entre la réalité et le rêve aussi. Cela nous rappelle Lynch. L'oeuvre de Bergman est complexe et nécessite plusieurs visions pour en comprendre tous les détails. C'est un film riche, sans aucun doute.
Si sur le fond, l'oeuvre est remarquable, la forme n'en est pas moins aussi éblouissante. Persona est d'un noir et blanc somptueux. Bergman fait également preuve d'un incroyable talent pour la mise en scène, repoussant les limites de ce que le septième art a déjà pu faire. Il utilise pour cela de faux raccords et des zooms, réalise des expérimentations sonores ou encore visuelles. La bande son est incroyable et participe également à ce que le spectateur soit perdu.
Bergman réalise ici un chef-d'oeuvre. Il s'agira également d'une renaissance pour le cinéaste qui n'était pas au mieux artistiquement parlant à l'époque. Persona est une oeuvre inoubliable et fantastique.