Les Chantiers de la perdition.Les Nerfs à vif.La plage,le maire&le tricard.Un fauteuil pour 3.

Un film qui tranche tellement de la production habituelle que je ne veux pas bouder et cacher mon plaisir.
Un excellent mélange efficace, crédible et distrayant de : Les Nerfs à vif + Before the Devil Knows You're Dead + Boss avec des scènes et touches à la John Schlesinger + Scarface et Yves Boisset et Chabrol (l'opération immobilière corrompue dans Poulet au Vinaigre, montée par boucher, médecin, maire et notaire):



Hey Roschdy/Moïse: Barry Manilow,Tony Montana,Robert Mitchum et Antoine ont appelé, ils veulent leurs chemises



Mon résumé(avec mini spoils): deux amis élevés comme des frères (Raphaël Personnaz/Maxime Charasse, Nicolas Duvauchelle/José Nunes),cadres et partenaires minoritaires dans une société immobilière et de BTP, embauchent un voyou (Roschdy Zem/Moïse) pour faire 'changer d'avis' leur plus vieux partenaire qu'ils jugent dépassé,trop lent et égoïste (Frédéric Pierrot/Mr Laffont ). Apeurés de le faire tout seuls.
Roschdy Zem se révèlera envahissant et vouloir devenir partenaire aussi.



Pourquoi ça me rappelle Les Nerfs à vif:



les chemises et l'attitude de Moïse me rappellent celles de Max Cody (ainsi que des scènes.)
Dans Les Nerfs à vif (Cape Fear) de J. Lee Thompson (1962) puis de Martin Scorsese(1991), Max Cady (Robert Mitchum puis Robert de Niro), condamné à de la prison , est à nouveau libre. Avec détermination, il harcèle ceux qu'il estime responsable. En devenant un maitre-chanteur harceleur.


La fin "prise de tête..." entre Moïse&Maxime dans la voiture dans la rue bourgeoise rappelle celle entre Max&Sam (headlock) dans Cape Fear 1962 dans les marécages, dans la fange.


Dans la version de Scorsese, De Niro se rapprochait de la famille en séduisant la fille Juliette Lewis. Ici, Moise rentre en contact avec la jeune fille héritière, Anaïs Laffont/Nadia Tereszkiewicz, grâce à un chien. Celui du chantier dont elle a peur. Il lui apprend à l'approcher, le caresser et le dompter. Mais cette fois, lui aussi finira dompté. Calmé. Comme le chien de garde hargneux (qui a surtout soif d'après ce que je pouvais voir), Moïse s'assagira au contact de la blonde civilisatrice et de son amour qui lui aura donné une chance et une écoute. Au point de peut-être ne plus vouloir tuer...elle lui rentre dans la peau, Under the skin: le chasseur devient moins violent au contact de la gentillesse civilisée et cultivée.
La belle et la bête?...



Pourquoi ça me rappelle Sidney Lumet:



les deux "frères" prennent une décision qui a des conséquences boomerang les jetant dans les griffes d'un maitre-chanteur harceleur.
Dans le dernier Sidney Lumet, 7 h 58 ce samedi-là/Before the Devil Knows You're Dead deux frères (Ethan Hawke et Philip Seymour Hoffman, aussi cadre dans une société immobilière...) embauchent une 'racaille' pour cambrioler leurs propres parents. Apeurés de le faire tout seuls. Michael Shannon avec ses chemise et attitude relax finira par les faire chanter.



Tensions raciales et sociales::




on est dans la merde; faut sauver notre "petit cul de blancs en costumes"...dit Personnaz à Duvauchelle sur la plage qu'ils veulent bétoniser et convertir en autre bronze-culs du Sud.
Mais leur boss/mentor (excellent Frédéric Pierrot) refuse de payer les bakchich/pots-de-vin au sbire de la mairie au risque de ne pas gagner le marché/l'appel d'offre.



Duvauchelle est José Nunes, issu de l'immigration pauvre; qui a réussi lentement mais surement. Une sorte de mini Tony Montana mais intégré légalement.
Personnaz est Maxime (pas Michel) Charasse; fils de la grosse famille mafieuse locale dont le père a fini en prison, affaiblissant l'organisation.
José a aidé et soutenu son ami Maxime.


La scène avec Django:
Dans les films, j'aime les scènes où on passe par plusieurs sentiments, comme des mini montagnes russes dans nos cœurs et tête.
Par exemple, Jaoui&Bacri sont forts dans ce domaine: Bacri peut m’émouvoir, me faire rire ou sourire puis me faire pleurer, parfois dans la même scène en très rapproché (je pense à la scène dans l'appartement du fils dans Au bout du conte).
Ici, c'est une scène dans un bar non officiel à l'arrière d'un vendeur de fruits&légumes.
Moïse a amené sa Sissi dans ce bouge supposé malfamé. Il la laisse seule à un mini bar. Dans l'ombre, on distingue un crâne qui brille...comme celui de Brando dans Apocalypse Now , où Blondie semble aussi vulnérable que Ripley dans le même genre de sombre compartiment cachant au fond le crâne de l'Alien.



"Il est à toi ce bracelet? c'est un joli bracelet...je peux le voir…"
"Laisse là tranquille, Django" interjecte une belle serveuse qui nous révèle le surnom de l'Alien..
"Il irait bien à ma copine, combien tu en veux? je suis pauvre...



(Ca me rappelle la si drôle visite de la petite amie bourgeoise, Penelope/Kristin Holby, dans la salle d'attente du commissariat dans un Fauteuil pour deux où un doux géant lui dit



il est à toi ce sac? c'est un joli sac



Mais dans PnG, la simplicité de la petite gosse de riche désarme la situation, par sa candeur et honnêteté elle désamorce ce qui semblait mal parti.



"Je ne peux pas vous le vendre; c'est à ma maman; elle est morte."



Et ce deuil sera le point commun qui unira, reconciliera, La belle et la bête.
Je découvre le mannequin/acteur Abde Maziane qui dans un premier temps (dans la scène) effraye et rappelle Michael Berryman de La Colline a des yeux, mais finira en Michael Clarke Duncan dans La ligne verte.
Une très belle scène visuellement puis 'humainement', jouée juste par les trois.


((Au passage je découvre ce qu'est devenue l'actrice jouant la bourgeoise coincée d'un Fauteuil pour Deux, Kristin Holby: la réalité dépasse la fiction. De nos jours, elle ne supporte pas "les mamans qui portent des jeans" et leur conseille de mettre que des robes qui "cachent d'ailleurs encore mieux"...
"Rentrer dans son magasin de robes est comme rentrer dans les années 50" dit le NY Times))



Le casting:



Le film a toute une galerie de bons acteurs, parfois à gueule de Tontons flingueurs mais aussi valable&varié que les castings d'un Guy Ritchie:
Arsène Mosca (un visage que je vois souvent),ici en chef de chantier poussé à bout par la nouvelle 'recrue' qui s'impose.
Gilles Cohen, toujours intense et crédible, en chef des 'chantiers' plus confidentiels et officieux et en coulisses de la famille Charasse. Il est un mélange de Robert Duvall dans Le Parrain et Harvey Keitel dans Pulp Fiction. Il résout les problèmes...
Lors d'une scène-clé au bar avec son boss, Charasse Jr, Cohen lui explique que feu son père aurait été plus plus radical&expéditif avec la potentielle menace qu'est son ami d'enfance, José. Il voit sans doute le fils Charasse un peu comme on voit le fils de Paul Newman dans Road to Perdtition/LesSentiers de la perdition, joué par Daniel Craig. Un descendant plus faible&pusillanime.
Cette scène nous fait comprendre que Personnaz est désormais plus Pacino dans Le Parrain 3: il veut rendre légitime&légal le business de la famille:



Je ne suis pas mon père; je suis un bâtisseur.
But just when he'll think he was out, they'll pull him back in



**



Les projets immobiliers douteux:



**
Matthieu Rozé est réaliste en fourbe sbire de la mairie. Sa suffisance et manigance font froid dans le dos. Sa plus petite taille quand il parle mal aux autres rappelle même Polanski dans Chinatown, aussi un film déjà sur la corruption des officiels derrière les appels d'offre etc.
C'est aussi ce personnage qui rapproche ce film de ceux d'Yves Boisset et même le dernier Rappeneau et ses pas si Belles familles ciblées par la mairie locale et ses expropriations....
C'est rare et salutaire qu'un film français aborde ce sujet. Je me demande s'il a eu des problèmes de financement et distributions. Je me demande par exemple, s'il est montré à Cogolin et ses plages, "qui construit beaucoup"... la (belle)ville à vendre disait un doc d'un Pascal Lorent mais il y en a beaucoup d'autres de villes vendues, à vendre, ciblées...


Sarah Pasquier: la femme du fils du mafieux; se révèle une vraie Borgia. L'Éminence grise impitoyable, comme la soeur Corléone (elle a d'ailleurs de petits airs de Tallia Shire).


Ravi de reconnaître de suite Manuel Blanc mais qui de suite aussi fait croire en son personnage lors de la réunion (beaucoup d'acteurs comme lui manquent au casting sur SC).


Nadia Tereszkiewicz,notamment au bord de sa piscine, rappelle aussi Michelle Pfeiffer dans Scarface. Tony Montana et Moise partage des goûts vestimentaire similaires.
Et une scène entre Moise et Anaïs sur les fauteuils au bord de la piscine rappelle celle entre Elvira et Tony Roschdy Zem est d'ailleurs assis exactement comme Al Pacino..


Personnaz et Duvauchelle regardent et parlent de Zem comme Loggia et Murray Abraham parlent de Pacino et ses chemises flashy quand il danse dans Scarface...ce "paysan".
Scène à laquelle je pense lors de la scène du rappeur dans Persona non grata.


La scène d'audition du rappeur:
Lors d'une autre visite impromptue du harceleur Moïse sur le lieu de travail des deux frères, il apparait un jour accompagné d'un personnage menaçant qui semble d'abord sorti des Sopranos...Il se révèlera en fait surtout sorti de Broadway Danny Rose.
La scène de danse de Pacino dans Scarface relâchait la tension. Celle de rap&danses avec Petoufo...le rappeur gitan (d'anthologie cette scène) est à voir surtout pour la tête des deux amis affligés, un régal.
Je crois que Moïse teste la docilité de ses deux proies ...leur colonne vertébrale, tout en se moquant en partie d'eux et leur faisant croire qu'il est un simpleton.

Les deux frères de combine payent le maître chanteur qui vient de leur amener un chanteur; mais leur confusion fait peine à voir (mais jubiler aussi). Avec Moïse, ils croyaient affaire à Michael Myers et se retrouve devant un Woody Allen/Broadway Danny Rose, imprésario d'une improbable vedette dont Moïse partage d'ailleurs un peu les chemises.
...les chemises et les goût en actes qu'il propose: Woody Allen a des joueurs aveugles de xylophones, des pigeons qui picorent un piano, des danseurs de claquette et jongleurs unijambistes ou Lou Canova, un chanteur Italien mais obèse et alcoolique
Moïse a un rappeur gitan.


Il est arrivé dans leur vie comme Michael Myers arrive dans celle de ses victimes, en camera subjective et se transforme en Lou Bega...
(je remarque d'ailleurs lors de ce plan-séquence subjectif où Moïse apparait pour la première fois que les employés ne lui disent pas 'bonjour'. Il n'est pas bienvenu, déjà Persona Non Grata.... Sans doute habitué à ce genre d'accueil mais moi pas, les premiers à qui je parlerais seraient ces employés, car à ce stade, ils ne connaissent pas le cv et casier judiciaire de l'individu.)


Il veut devenir leur partenaire. Il prétend et leur apprend qu'il y a sur les chantiers, des squatteurs, des vols et des employés qui ne font pas leurs heures.
Il va les aider à acheter la paix sociale: il conseille au sbire de la mairie d'au lieu de ronds-points, il ferait mieux de faire des aires de jeux et piscines etc.
Il paye des squatteurs gitans pour qu'ils quittent les lieux du nouveau chantier en bord de plages etc.


J'ai aussi aimé les scènes muettes du film. Notamment des scènes de rues, filmées d'une voiture: qui rappellent celles du début et la fin de Philadelphia de Jonathan Demme et celles chez John Schlesinger.


(Je n'ai pas pensé à tous ces films pendant la projection: j'ai d'abord aimé et vécu le film. Le lier à d'autres films est juste un petit jeu que j'espère pas trop ennuyeux…
qui me rappelle la série Dream On



Ayant grandi devant le petit écran et englouti des centaines d'heures de programmes, il voit très régulièrement des flashs de films ou de séries lui revenir à l'esprit, illustrant ainsi ses pensées et ses sentiments du moment)


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le 3 août 2019

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