Personal affairs est un film poétique capable de rendre extraordinaires des situations qui transpirent le vécu et la banalité, de faire sourire son public du début à la fin à base d’instants pathétiques.
Tout est dans la veine de cette scène d’ouverture où Madame, dos à la caméra s’affaire à cuisiner pendant que Monsieur rivé sur son ordinateur ne daigne lui adresser la parole que pour lui demander du sel, situé à 5 centimètres de lui.
Scène a priori ordinaire d’une soumission bien huilée, on rit jaune en pensant que l'absurdité de la situation est à peine exagérée.
Pourtant déjà dans cette première approche, on est surpris de voir un palestinien retraité accro à son ordinateur, et on se retrouve sans problème dans cette obsession de l’information, de la communication et du partage virtuels qui contrastent avec les difficiles tentatives de contact direct avec sa femme.
En quelques secondes, on a la sève du film: le paradoxe de notre société dotée d’outils perfectionnés facilitant l'échange d’informations mais incapable de partager en direct, de s’écouter.
Tout y passe: ordinateur, téléphone, télévision, et même auto-radio: ce qui est sûr c’est que le film parle de notre quotidien, peu importe qu'il se passe d'un côté ou de l'autre de la frontière.
L’expression est protéiforme, et dans la famille qu’on suit on trouve régulièrement des passages criants de vérité.
La vérité, c’est justement ce que la parole doit transmettre, trahir, embellir: celle de la grand mère qui revient sur son enfance entre deux crises de folie, du futur père plus fasciné par la mer que par l’échographie de son enfant, de celui qui refuse de mettre des mots sur son engagement, d’un couple qui ne se parle plus.
Tous ces moments d’échange, de non-échange, de vie arrivent à équilibrer l’absurde et la tendresse: devant une personne âgée qui perd la tête on est attendri, amusé, et un brin triste aussi.
Personal affairs est séduisant parce qu’il est très joli à regarder: les plans sont très bien construits en harmonie avec ce qu’ils montrent: très symétriques et froids pour dépeindre un couple sans vie, la symétrie n’étant cassée que par le biais d’un rideau qu’on bouge pour parler à la voisine, pour s’ouvrir à l’extérieur, et à l’opposé du film l’improbable scène dans la salle d’interrogatoire qui joue sur le mouvement, sur les couleurs du décor, sur la chaleur du couple qui se trouve.
Le tout est livré avec simplicité, sans chercher à épater la galerie, en évitant soigneusement de rentrer dans des considérations politiques, comme un moyen de rappeler que la peine et la maladresse sont universelles.