Voici un film indispensable pour le bon fonctionnement de notre démocratie.
Le montage excellent de ce documentaire permet de disséquer au scalpel l'origine de l'affaire du financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy, avec une grande rigueur et sans aucun parti pris quoi qu'il puisse en être pensé.
Au cours d’une interview donnée au Figaro Magazine le 16 août 2023, l'ex-Président prononcera le fameux : « Les Français sont bien en peine de résumer ce qu’on me reproche. Personne n’y comprend rien », à croire que cette phrase qui sert de titre au film n'avait au final qu'une seule vocation : celle d'être contredite.
Ce documentaire fait œuvre utile en se basant sur le travail de journalisme d'investigation à la base de ce documentaire, recoupant les sources avant toute publication afin que l'origine des documents soit certaine et en veillant à ne jamais les sur-interpréter. En face, les dénégations des politiques, puis la pudeur outragée dans laquelle ils tentent maladroitement de se draper quand les faits ne peuvent plus être niés paraissent au contraire relever de réactions désarmantes d'enfants pris en faute, tentés de produire des mensonges, en n'hésitant pas à inventer des stratagèmes (voire le bien triste épisode de la fausse rétractation de Takieddine re-routé par des médias, comme BFM dont l'indépendance réelle questionne) ou pire en tentant de supprimer les traces de ses méfaits à tout prix, et même quand les traces sont des hommes.
Réussir une synthèse en 1h40 de plus de dix ans d'enquête sans jamais perdre ni le fil conducteur, ni surtout le spectateur relève d'une prouesse. Aucune faiblesse dans le rythme n'est à noter. Tout est clair malgré la densité du propos, et le didactisme de la narration ne prend jamais le pas sur la fluidité, le caractère accessible s'en trouve renforcé.
On ressort de ce film en ne doutant pas que la France permette une vraie liberté d'expression et en espérant que le statut de la fonction publique, seule véritable garantie d'indépendance des juges, se voit sauvegarder encore longtemps. A ce titre les propos de François Molins résonnent très fort et constituent un avertissement à ce qui pourrait advenir si l'on n'y prenait garde.
Une démocratie n'a de vertu que lorsque ses contre-pouvoirs, que constituent notamment la presse et la justice, sont forts.
La phrase conclusive du film à sa toute fin, tirée de Vérité et Politique d'Hannah Arendt agit en écho à celle de la Bruyère placée en incipit : " l'ambitieux a autant de maîtres qu'il y a de gens utiles à sa fortune" et sonnera comme une mise en garde salvatrice en renforçant notre attachement indéfectible à un système démocratique qui n'est abimé au final uniquement par ses représentants, y compris dans les plus hautes fonctions, qui l'abaissent et le trahissent en oubliant que leur rôle public c'est de servir et non pas de se servir.
En sortant de la salle plus personne ne pourra dire "on n'y comprend rien" et pour une fois la vérité triomphera du politique, mais hors du champ du politique. Arendt n'est ainsi pas démentie et le cinéma nous livre une fois encore un témoignage sans égal de sa contribution à l'édification que ce soit par les œuvres de fiction ou les documentaires. Le cinéma nous donne toujours de la lumière et pour cela nous serons toujours des spectateurs infiniment reconnaissants.