On sait François Ozon capable du meilleur (‘Dans la maison’, ‘Grâce à Dieu’) comme du moins bon (‘Une nouvelle amie’, ‘L’amant double’). Peter van Kant n’est ni l’un ni l’autre, un entre-deux globalement réussi malgré quelques faiblesses. Le film est assez déroutant (peut-être la pièce dont est tiré le film l’est aussi), ce qui n’est pas forcément un défaut. J’émets le pronostic que le film sera autant adulé que détesté.
Ozon adapte donc et se réapproprie la pièce et le film de Fassbinder ‘Les larmes amères de Petra van Kant’. Peter Von Kant, célèbre réalisateur à succès, habite avec son assistant Karl, qu’il se plaît à maltraiter. Grâce à la grande actrice Sidonie, il rencontre et s’éprend d’Amir, un jeune homme d’origine modeste. Il lui propose de partager son appartement et de l’aider à se lancer dans le cinéma.
François Ozon fait ouvertement du théâtre filmé, genre victime d’un certain grief critique comme si c’était forcément nul ou facile. Il s’agit en effet ici d’une adaptation pour le cinéma d’une pièce de théâtre. Mais plutôt que de gommer les aspects théâtraux, il les accentue et les met en avant. Il a gardé une structure en actes, qui s’enchaînent grâce à d’élégants fondus au noir. Les décors sont mis en valeur, et on ne quittera pas l’appartement à part à de rares occasions. Enfin, les comédiens sont dirigés pour avoir un jeu maniéré et parfois outrancier comme s’ils étaient sur scène à réciter des tirades. L’aspect ouvertement théâtral renvoie au goût obsessionnel du metteur en scène pour l’artifice. Les décors rappellent ceux de ‘Potiche’ et l’aspect théâtral fait écho à celui de ‘8 femmes’.
‘Peter van Kant’ est un film sur le pourvoir et l’obsession. Il y a le pouvoir social (le metteur en scène face à son domestique), le pouvoir artistique (entre le cinéaste et son actrice), le pouvoir sentimental qui est lié ici au pouvoir économique (le cinéaste et son jeune amant) et bien sur le pouvoir familiale et ici particulièrement le pouvoir maternel. Qui l’a ? Et pour combien de temps ? Ici, François Ozon ne montre pas le point de bascule, en faisant une éclipse. Car il souhaite concentrer son film sur l’obsession. Comment l’obsession artistique initiale se transforme en obsession sentimentale, pour ne pas dire sexuelle ? Le départ d’Amir sera donc indissociable d’une panne artistique.
Ce Peter en passe donc par toutes les émotions, avec ses hauts et ses bas très bas. Pour interpréter cet ogre en pleine déchéance, il fallait un acteur ayant une carrure, mais doté d’une vraie sensibilité. On sait que depuis ‘Jusqu’à la garde’, Denis Ménochet (l’un des meilleurs acteurs français du moment) fait des merveilles. Il a le physique impressionnant et fait peur par moment. Il faut voir comment il hurle dans le troisième acte. Mais les fêlures ne sont jamais loin. A ses côtés, Isabelle Adjani est excellente en starlette. Elle s’en donne à cœur joie, un peu comme dans le ‘Bon voyage’ de Rappeneau. Enfin, Hanna Schygulla fait des merveilles dans le rôle de la mère avec son accent allemand à couper au couteau. Elle permet bien sûr de faire le lien avec Fassbinder.
En revanche, je suis beaucoup plus réservé sur les deux jeunes acteurs. D’habitude bon révélateur de talent (‘Eté 85’, ‘Dans la maison’), je pense qu’il sait franchement trompé dans le choix du comédien pour le rôle quasi-principal d’Amir. Khalil Gharbia est franchement transparent et il n’exprime rien. Son interprétation manque un peu de consistance. On peine un peu à voir ce qui obsède le metteur en scène. Enfin, difficile d’évoquer l’acteur Stefan Crepon dans le rôle du majordome car son rôle est totalement muet. Enfin, pourquoi Ozon a-t-il systématiquement besoin de déshabiller systématiquement ses acteurs (et parfois actrices) ? C’est assez navrant, pour ne pas dire gamin.
‘Peter van Kant’ est un film très soigné, visuellement beau de part ses décors mais aussi ses costumes. L’ensemble est volontairement déroutant car artificiel mais aussi avec un côté ludique. A vous de voir si vous apprécierez.