"J'avais beau espérer, le réel s'obstinait à entraver mes rêves...

...Le monde et sa violence se rapprochaient chaque jour un peu plus."
Citation de Gaël FAYE


Passer derrière l'immense Gaël Faye, surement l'un des plus grands écrivains modernes, n'est pas chose aisée, en témoigne toute les critiques de ce site y faisant référence. C'est tout aussi vrai que de dire que j'ai 4 ans de retard sur la lecture d'un de ses plus grands chefs d'œuvre. Nous ne nous pencherons donc pas sur ses qualités en tant qu'adaptation mais en tant que film.


"L'innocence de l'enfance face à l'histoire". Oui mais pas vraiment. Notre garçon ne va pas s'opposer à l'histoire, qui pourrait presque ici être considérée comme trame de fond tant nos protagonistes sont écartés de chaque moment de violence, ne percevant finalement que les conséquences des horreurs.
On se retrouve ici bien plus dans un conflit intérieur du protagoniste, partagé entre cet espoir d'un pays idyllique qui le sauvera et la désillusion du rêve dans lequel il baigne. Ce qui se ressent bien dans la réalisation, mettant un terme simple et brutale à chaque scène de bonheur par un litige mené par la haine dans la scène suivante. Et cette désillusion, on pourrait lui reprocher d'être parfois gratuite pour notre personnage principal qui morfle pas mal tout le long du film. De ce fait malgré le peu de violence il ne serait pas ingénieux d’omettre la dureté de l'ambiance de Petit Pays.


Ce qu'il y a aussi de très intéressant au niveau de notre héros c'est son passage à l'âge adulte qui semble presque forcé, et qui le mènent inexorablement à fuir le pays, lui qui n'est cantonné ici qu'à une dizaine de décors. Au début tout ça n'est pour lui presque qu'un jeu qui a pris place dans son groupe d'amis, une histoire d'honneur ou d'unité. Outre le choc de la séparation de ses parents, le coup du vélo va aussi le faire grandir, le sortant définitivement du conflit entre les ethnies et plus généralement entre les déchirures de son monde et du Burundi en général. A partir de là il ne cherche plus à se protéger lui mais sa sœur, encore gardée intacte par l'enfance. Il va petit à petit se désolidariser de ses amis qui acceptent la haine sous prétexte qu'elle est dans leur camps. Je ne m'attarderai pas d'avantage sur les détails de son parcours mais il y a une chose à retenir: il a cédé. Même lui qui s'est juré de se sauver avec sa sœur et a cédé, sous la pression de la foule, à bruler quelqu'un qu'il avait sauver. Et c'est ce point de non retour, devant l'horrible paradoxe qu'est de voir un enfant prêt à tuer, qu'on va véritablement se rendre compte qu'il faut fuir de ce petit pays, paradis assassiné par ceux qui croient savoir comment penser.


Un petit pays, isolé, marqué par les guerres et la pauvreté, la beauté et la simplicité. Un bien jolie triste pays inconnu de tous, mais dont la haine nourrie par les (in?)différences feront trembler le monde. Fin de l'enfance début de la souffrance: Petit pays deviendra grand. Enfin ce qu'il croit être grandir, tant cette indépendance asservit les peuples et les brasiers aux (sorcières?) Tutsis détruisent, en même temps que les livres, les dernières onces de naïve beauté qu'il lui reste.



"Nous vivons sur le lieu de la Tragédie. L'Afrique a la forme d'un
revolver. Rien à faire contre cette évidence. Tirons-nous. Dessus ou
ailleurs, mais tirons-nous !"



Gaël FAYE

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le 9 sept. 2020

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Lordlyonor

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