Critique initialement publiée sur le site Le Con, le Culte et les Écrans.
José est un auteur de BD argentin qui vient d’avoir un enfant avec Lucie, mère au foyer et française de son état. Suite à son licenciement, les rôles vont s’inverser et c’est Lucie qui travaillera tandis que José restera à la maison. Le problème, c’est que José, il s’emmerde sec. Un beau jour, il va chez son voisin pour lui emprunter des outils. Excédé par cet homme insupportable, il va le tuer… Et le revoir le lendemain, bien vivant. Rendez vous est désormais pris, chaque jeudi José y retournera pour le tuer.
Si la boucle temporelle est un concept essoré au cinéma que ce soit dans la pure comédie (Un jour sans fin), la comédie romantique (Palm Spring), le film d’action (Edge of Tommorow), ou le drame pur (Il était temps), il est toujours intéressant de regarder les nouvelles variations qu’un thème engendre années après années.
Petite fleur prend le parti-pris que la boucle temporelle ne sera jamais expliqué, jamais remise en question, elle existe comme la pluie, Hervé Vilard (qui fait d’ailleurs un caméo dans le film) ou la gueule de bois après une soirée pleine de houblon. C’est comme ça, on n’y peut rien et la première réussite du film est de glisser du réalisme au fantastique sans jamais renier aucun des deux styles.
Tranchons dans le vif tout de suite, si le film est élégamment filmé, il tombe assez rapidement dans un systématisme de mise en scène qui plombe un peu la machine. Pas de quoi crier au scandale, mais un petit peu plus de variété n’aurait pas forcément été du luxe.
La sobriété des cadres et mouvements permettant à Santiago Mitre de sublimer son casting, ce dernier s’en donne à cœur joie. Denis Hendler, est aussi paumé que touchant, Melvil Poupaud génialement insupportable, Sergi Lopez d’une condescendance folle, Françoise Lebrun douce et sage et enfin Vimala Pons, comme à son habitude, imprime chaque cm² de la pellicule. On navigue donc gaiement entre comédie de couple, thérapies rocambolesques (elle va chez un gourou, il va chez son voisin.) et ecoutes attentives du petite fleur de Sidney Bechet jusqu’à ce que le film affronte enfin frontalement son sujet : la routine.
Entendons-nous bien, des sujets importants sont abordés bien avant dans le film, que ce soit la charge mentale, la paresse linguistique, la jalousie et j’en passe, mais c’est lorsqu’il aborde la routine que ce quatrième long-métrage brille. Parce qu’il pose une question simple et pourtant universelle : peut-on aimer la routine ? Comme la poule et l’œuf, il va être question de savoir si la routine tue le couple ou le couple la routine. Et c’est lorsqu’il fait l’apologie de la routine que le film prend une trajectoire surprenante. Loin de juger les habitudes, il les érige en qualités, en confort et va à contre-courant de ce qui se fait d’habitude en faisant de la routine du couple un but à atteindre plutôt qu’un obstacle à fuir.
Au vu du pitch de départ (et d’un marketing pas forcément élégant) on aurait pu s’attendre à une comédie extrêmement grinçante qui prend un malin plaisir à détruire les attentes de ses héros, mais il n’en est rien. Santiago Mitre admire ses personnages même avec leurs nombreuses fêlures, leurs comportements répréhensibles et leurs manques de communication. Cette communication est d’ailleurs au cœur de ce charmant film dans lequel il est difficile de parler la même langue à part les deux seules universelles : la musique et la vengeance.
Petite Fleur est un film un peu binaire, un petit peu maladroit, complètement bouleversant lors de fulgurance (Vimala Pons, qui s’excuse en silence, restera sans doute un de mes grands moments cinéma de 2022.), d’une sincérité extrême et d’un amour véritable bref, c’est un petit film qui a fait un grand boum dans mon cœur.