Privé d'attention, d'amour et de père

On croit de prime abord avoir affaire à un truc hybride situé entre la question du genre à la Tomboy de Sciamma et le drame social à la française. Or Samuel Theis construit un film personnel et cohérent, tout en délicatesse, plein de justesse, trompant les attentes du spectateur en refusant le facilitisme dans l’écriture, le déterminisme des personnages ou le pathos.

L’introduction du film, étonnamment elliptique, laissait augurer d’une suite chaotique, faisant la part belle à un drame social ne lésinant pas sur les clichés et les moyens pour toucher le public. Mais une fois le lieu, le temps, les personnages et l’action présentés, tout rentre dans l’ordre ; la mise en scène de Theis se précise, puis le scénario se déroule, ouvrant plusieurs chemins suivant les personnages et leurs mouvements intérieurs imprévisibles.

Le duo formé par Johnny et son maître, toujours au centre du récit, souffre de variations : rapport purement pédagogique, il tend ensuite vers le social avant de devenir presque paternel. Or Johnny, d’à peine 10 ans, privé d'attention, de père et d'amour, baigne malgré lui dans un monde où la sexualité est présente : sa mère, passant d’un compagnon à un autre, qu’il surprend en train de baiser dans la voiture ou qui s’enferme avec sa nouvelle relation dans la chambre ; son frère et sa copine débordant d’un désir explicite, lui demandant de les laisser seuls dans la chambre qu’il partage avec son aîné ; et surtout la jeune fille de 4ème qui met les mots sur les sentiments, donnant existence au non-dit, à l’inavouable, à l’informe sensation qui vaguement pressait au-dedans.

Theis ne parvient totalement à éluder certaines incongruités, principalement chez le professeur, qui agit d’une manière trop familière avec celui qui n’est que son élève ; certes, il responsabilise sa femme, bien innocente, mais laisse trop traîner ce qui normalement ne devrait jamais durer autant. Mais il est bien difficile d’arriver à nouer une telle relation sans ce type d’invraisemblances – et au fait, n’y a-t-il jamais eu de rapprochements interdits par la déontologie entre le corps professoral et l’étudiant ?

Un film à la mise en scène recherchée et impeccable, digne des rejetons de la Femis.

Marlon_B
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le 25 août 2022

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