Après une flopée de téléfilms, Danny Boyle passe derrière la caméra pour le cinéma. Shallow Grave est le premier long de ce réalisateur britannique au style très clinquant. Son prochain opus, Trainspotting (1996), sera un des 'cultes' de la décennie et des représentations de la drogue sur grand écran. Dès le départ Boyle aura eu l'art de maquiller des produits creux en objets corrosifs et palpitants. Malheureusement l'énergie n'est pas toujours si bien canalisée ; dans Sunshine en 2007, l'excès de gravité sapera les grands élans clipesques et 28 jours plus tard perd en puissance lorsqu'il cherche à se diversifier.


Dans Shallow Grave aka Petits meurtres entre amis, les bouffées d'ambition sont contenues ; ce n'est ni un bien ni un mal. Le fragile équilibre qui se donne à voir semble être le résultat optimal ; la faiblesse du scénario est impressionnante, la Boyle's touch n'est pas contrainte. Singulier dès le départ, Shallow Grave affirme son originalité plus intensément au fur et à mesure. Le ton est bizarre, certaines séquences sonnent 'cliniques' tout en restant bouillonnantes. La sensation dominante est celle d'un happening tapageur meublant un grand désert. L'exubérance surplombe le rien, l'étalage de violence et d'humour noir semblent plus importants que les événements en eux-mêmes. Le résultat oscille entre fantaisie glauque et drame moral, le premier ayant droit de cité, le second se profilant sans avoir la permission de se révéler ni de conclure (phrase claquante sur l'amitié, soutenue par des éclats dramatiques en guise de 'réflexion').


Des petits traits d'esprit sont continuellement glissés dans les dialogues ; un esprit de petits cons exaltés et narquois, que sont les trois protagonistes. L'approche se veut distanciée mais faute de détermination, le film reste l'écrin perplexe de ces baratineurs grandiloquents. Boyle est un virtuose du tape-à-l’œil, les interprètes sont dans une forme prodigieuse (Ewan McGregor, fétiche de Boyle, est de la partie) ; la pose 'noire et acide' rejoint une certaine tradition homologuée britannique, en ajoutant un cachet moderne et très sombre mais sans munitions sous la surface ; alors ça fait son office et les amateurs sont heureux. Pourtant, comme ces trois jeunes blaireaux carnassiers, le film parade en vain, sans receler la moindre surprise. Very bad things (qui inspirera à son tour et plus directement Very Bad Trip), sorti quatre ans plus tard, pourrait être sous influence puisque les postulats se croisent et certaines manières se font écho (liées à ce goût du 'scandale').


https://zogarok.wordpress.com/2015/10/15/petits-meurtres-entre-amis/

Créée

le 27 sept. 2015

Critique lue 1.3K fois

8 j'aime

Zogarok

Écrit par

Critique lue 1.3K fois

8

D'autres avis sur Petits meurtres entre amis

Petits meurtres entre amis
SimplySmackkk
8

Petites complicités dangereuses entre amis

Beaucoup de films dont j’ai pu parler sont des premiers films, et parfois aussi les derniers, à raison ou à tort. Des réalisateurs, des scénaristes, des acteurs, arrivent à donner naissance à leur...

le 10 oct. 2019

21 j'aime

3

Petits meurtres entre amis
Plume231
6

L'amitié est plus forte que tout... sauf l'argent !!!

L'amitié est une chose inébranlable sauf si une valise bourrée de billets de banque traîne dans le coin... C'est à partir de cette cynique idée de départ que Danny Boyle, qui pour son premier film...

le 1 janv. 2014

11 j'aime

Petits meurtres entre amis
Little-Big-Moustache
6

"If you can't trust your friends, then what then?"

On va être sincère. Avec ce premier film, Danny Boyle ne réalise pas un coup de maître, mais il arrive toutefois à nous servir un thriller efficace, malsain, machiavélique remettant en question...

le 2 janv. 2014

10 j'aime

Du même critique

La Haine
Zogarok
3

Les "bons" ploucs de banlieue

En 1995, Mathieu Kassovitz a ving-six ans, non pas seize. C'est pourtant à ce moment qu'il réalise La Haine. Il y montre la vie des banlieues, par le prisme de trois amis (un juif, un noir, un...

le 13 nov. 2013

51 j'aime

20

Kirikou et la Sorcière
Zogarok
10

Le pacificateur

C’est la métamorphose d’un nain intrépide, héros à contre-courant demandant au méchant de l’histoire pourquoi il s’obstine à camper cette position. Né par sa propre volonté et détenant déjà l’usage...

le 11 févr. 2015

48 j'aime

4

Les Visiteurs
Zogarok
9

Mysticisme folklo

L‘une des meilleures comédies françaises de tous les temps. Pas la plus légère, mais efficace et imaginative. Les Visiteurs a rassemblé près de 14 millions de spectateurs en salles en 1993,...

le 8 déc. 2014

31 j'aime

2