Beaucoup de films dont j’ai pu parler sont des premiers films, et parfois aussi les derniers, à raison ou à tort. Des réalisateurs, des scénaristes, des acteurs, arrivent à donner naissance à leur premier film, avant de disparaître, faute de succès ou d’un mauvais alignement des planètes.
Danny Boyle n’a pas eu cette malchance. Même si certains esprits tristounets auraient bien aimé. Son premier film est un succès, entouré de quelques figures telles que le scénariste John Hodge ou l’acteur Ewan McGregor qu’il retrouvera régulièrement au fil de ses nombreux films.
Si Petits meurtres, de son petit nom, dépasse le petit succès d’estime, il le doit à son ton, qui passera de l’humour cynique au frisson du thriller avec une certaine réussite. Grâce à son histoire, qui suit trois colocataires assez différents, Alex, David et Juliet, mais unis par une franche amitié. Ceux-ci recherchent un autre colocataire, mais les réunions sont plutôt l’occasion de se moquer des prétendants, un Dîner de cons à l’écossaise. Et puis en arrive un dont l’esprit et l’assurance les charment, ou en tout cas dissipent leur méfiance. Malheureusement celui meurt accidentellement. Et laisse une mallette remplie d’argents. Pour la conserver, ils vont décider cacher le corps. Et les quelques déconvenues qui vont suivre ne sont rien à côté de la paranoïa de David qui va aller de pire en pire.
C’est à un beau tour de prestidigitation que nous assistons, nous spectateurs. Car le film présente une succession de menaces, comme ces gangsters qui recherchent cet argent, qui auraient pu être en arrière-plan de tout le film, et c’est ce qui est attendu. Mais leur résolution arrive inopinément, tandis que la véritable menace est intérieure, au sein du groupe.
Ce groupe de trois est formé par les acteurs Christopher Eccleston, Kerry Fox et Ewan McGregor, qui portent le film. Si les deux premiers ont eu leur petit succès par la suite, on ne peut que comprendre le succès de McGregor dans le cinéma et pourquoi Danny Boyle en fera son acteur fétiche. Il joue le rôle du trublion, du farceur mais pas sot, avec une grande présence. Christoper Eccleston s’en sort bien, dans la lente dérive de sa petite vie quotidienne vers un monde angoissé et dangereux, pour lui et pour les autres.
Danny Boyle filme son film comme si la caméra s’effaçait, pour mieux mettre en avant la banalité du quotidien. Mais ce sont tous ces petits éléments de l’étrange, la violence de certaines scènes, ces plans du grenier, les face-à-face qui vont heurter la réalisation alors faussement routinière, perturber un calme de plus en plus précaire.
Petits meurtres inaugure la trilogie du Bag of money avec Trainspotting (formidable) et Une vie moins ordinaire (bof), dont le sujet n’est rien de moins que la mauvaise influence de l’argent sur les relations humaines. Mais le film inaugure aussi des carrières impressionnantes, telles que celles de Danny Boyle ou d’Ewan McGregor. Les petites imperfections du film, tels qu’une réalisation encore mal assurée ou quelques problèmes de direction d’acteurs ne sont que des erreurs de jeunesse. Et surtout elles n’arrivent pas à ébranler le charme du film, son ambiance particulière entre comédie et thriller, où le passage de l’un à l’autre se fait avec un naturel imperceptible.