Génial créateur d'affiches et de génériques mythiques pour des cinéastes tels que Alfred Hitchcock ou Otto Preminger, Saul Bass passa à la mise en scène à une seule et unique occasion, pour les besoins de Phase IV en 1974, d'après un scénario de Mayo Simon.
Derrière son postulat de pure bande d'exploitation des 50's, Phase IV va rapidement montrer sa véritable nature, celle d'une oeuvre expérimentale clairement en avance sur son temps. Un quasi huis-clos confrontant un paysage aride et désertique à un étroit laboratoire, des scientifiques à de minuscules fourmis répondant à un étrange signal venu d'ailleurs.
Avec très peu de moyens, Saul Bass parvient à créer une atmosphère pesante et dérangeante, annonçant une possible extinction à venir, ou plutôt une mutation vers une nouvelle forme de vie, plus intelligente et plus pragmatique. Une réflexion troublante sur la relation conflictuelle unissant l'homme à l'insecte, surtout quand elle se permet de remettre en question la place du premier au sommet de la chaîne alimentaire.
Répondant au spectaculaire attendu par un rythme lancinant et par une poignée d'expérimentations formelles, Saul Bass peut également compter sur les incroyables images captées par Ken Middleham, tout simplement ahurissantes pour l'époque (même si l'on pourra tiquer sur le sort réservé aux insectes utilisés pour le film), ainsi que sur la musique électronique signée David Vorhaus et Desmond Briscoe, pour beaucoup dans l'ambiance anxiogène du long-métrage.
S'il souffre inévitablement de quelques rides et d'un personnage féminin à baffer, Phase IV est un film avant-gardiste à (re)découvrir de toute urgence, une oeuvre déstabilisante et paranoïaque à souhait d'autant plus précieuse qu'elle reste l'unique tentative de son auteur dans ce format.