Un film précieux, un faux nanar

Je ne suis pas certain que Farid Fedjer soit celui qu'il prétend être ; à mon avis le côté Z est plus dû à la volonté propre du réalisateur qu'une réelle maladresse. D'ailleurs, les photos de Farid sont bizarres, le font clairement passer pour un mafieux, les photos sont trop bien réalisées pour faire passer cette idée. Et cela expliquerait sans doute le casting de fou présent dans ce film : un type qui s'y connaît en cinéma qui leur propose de faire un nanar pour le plaisir à la condition de ne rien révéler sur le tournage. J'dis ça parce que je n'ai pas trouvé d'interviews à ce sujet (j'ai pas beaucoup cherché, j'avoue).

Parce que bon, côté mise en scène, c'est vraiment pas désastreux. On trouve des effets de montage naïfs, des transitions foireuses, une déco très pauvre, un travail de lumière quasi inexistant, une ambiance très cheap (budget riquiqui?), quelques faux raccords, certes, mais on trouve aussi tout un tas de choses qu'on ne trouve pas habituellement dans les vrais nanars, à savoir un découpage qui tient clairement la route, des travelling avant très propres et qui arrivent pil poil au bon moment (à l'américaine, au résultat très -trop? - professionnel), un montage dynamique et efficace (si on retire les effets de montage faciles, on se rend compte que l'action tient assez bien la route), un mixage constant (pourtant c'est là où les films Z échouent le plus, le son est souvent insupportable alors qu'ici il n'est jamais vraiment désagréable, tout est au même niveau), les acteurs jouent le jeu du surjeu mais ne débordent pas non plus, on ne les laisse pas cabotiner à outrance et semblent tous investis dans leur rôle, ils ont une bonne gueule (alors que souvent dans les productions fauchées et mauvaises, les acteurs ont des gueules plutôt anonymes), les chorégraphies ne sont vraiment pas vilaines, les effets spéciaux convaincants (les tirs de flingues sont convaincants, on a même parfois la petite fumée !!!). Du coup, quand on regarde les 'défauts', ça paraît tellement forcé, tellement exagéré. Les quelques sautes d'axe, par exemple, sont tellement évidentes qu'il paraît difficile de concevoir que le réalisateur ait réussi certaines scènes d'action sans sauter l'axe pour après se planter de façon aussi évidente dans un bête champ et contre-champ. Non, vraiment, pour moi, le réalisateur de ce film sait faire des films, il comprend le langage cinématographique et là il s'est offert un petit cadeau, réaliser un film Z, un film censé être raté. Mais y a tellement de qualités techniques qu'il est difficile de gober ça. D'ailleurs le film transpire avant tout l'amour et l'hommage à ce genre de film.

Le scénario est complètement dingue. Trop peut-être, parce que bon, au bout d'une heure, je dois dire que j'ai commencé à me lasser. Chaque scène prise indépendamment du reste est un réel plaisir de délire, mais le tout mis à la suite, c'est un peu long, surtout que le scénario est très brouillon, que ça part un peu dans tous les sens. Mais à nouveau, on trouve de sacrées qualités ! Les punchlines sont très drôles : l'auteur en met parfois trop d'affilée, mais elles sont tout de même bien tournées. Les personnages sont fous mais ils sont bien exploités. Les situations sont parfois surréalistes mais ça fonctionne, les idées sont exploitées à fond, on est dans le délire assumé. Le côté humoristique ne vient pas seulement de maladresse, il y a aussi des situations drôles, des répliques réellement comiques. Le Z vient ici de l'intrigue complètement barrée et non de réels défauts d'écriture.

Bref, y a vraiment du très bon dans ce film, mais sans doute aurait-il mieux valu mieux structurer le récit ou bien raccourcir l'intrigue, car passé une heure de film, le spectateur finit par se lasser et ce malgré de très bonnes choses.