Certains films sont symboliques malgré eux. Bien qu'il soit sorti deux ans avant son décès, le film de Cécilia Rouaud est le dernier dans lequel a joué Jean-Pierre Bacri. L'acteur hérite d'un personnage plus sensible qui n'y paraît. Durant une bonne partie, il est évoqué comme un père absent, peu enclin à l'émotion, celui qui est parti voir ailleurs et ne veut pas s'occuper de sa propre mère. Mais plus le film avance, plus le portrait que ses enfants et son ex-femme se sont faits s'effrite.
Il n'y a qu'à prendre l'exemple du fils (Pierre Deladonchamps) qui aurait été tellement délaissé qu'il en serait devenu progressivement dépressif. Pourtant, en une scène, tout ce manque d'amour est balayé. Le personnage de Bacri apparaît surtout comme un homme de l'ombre, quelqu'un de discret qui ne dit pas forcément ses pensées tout haut. Il en va de même pour sa relation avec sa mère (Claudette Walker), dégradée par la maladie. Elle a la maladie d'alzheimer et ne reconnaît pas son fils, ce qui le fâche autant que l'attriste. En une scène, le bougon que l'on connaissait tant craque et emporte le tout. Bacri n'est pas le personnage principal, mais il quitte le cinéma avec ce qui est certainement un de ses plus beaux rôles.
Photo de famille offre également des rôles intéressants à Camille Cottin, Vanessa Paradis et Deladonchamps. Des grands enfants tous plus déprimés les uns les autres, bloqués pour diverses raisons. Cottin n'arrive pas à faire un enfant, ce qui impacte son couple. Paradis est une maman-poule ayant reposer sa vie sur son fils (Jean Aviat), au détriment de relations amoureuses. Quand ce dernier part du foyer, elle passe par la dépression. Quant à Deladonchamps, il est suicidaire et n'arrive pas à créer un lien social (cf avec sa collègue en pleurs qui part finalement dans les bras de son ami, alors qu'il va vers elle).
Trois âmes en peine qui restent toutefois un cocon protecteur malgré les apparences là-aussi. Ils sont en fait le reflet de leur père : des personnages qui gardent tout à l'intérieur jusqu'au jour où cela explose. Sauf que contrairement au père, les enfants sont toujours là les uns pour les autres. Le trio fonctionne du tonnerre, entouré de bons second-rôles (Laurent Capelluto en mari compréhensible, Walker en grand-mère perdue ou Chantal Lauby en mère présente jusqu'à l'étouffement).
Photo de famille s'impose comme un beau film, montrant des personnages sur le fil du rasoir essayant malgré tout de s'en sortir, si possible ensemble. Un film qui a été un peu trop vite vendu comme une comédie (quand bien même il arrive de rire au cours de certaines scènes), alors qu'il tient davantage du drame familial pur et dur.