Eh oui, on peut être un film récent et être déjà oublié sous une tonne de poussière ! C’est le cas de Photo Obsession, l’un des derniers films dans lesquels Robin Williams a tenu un rôle à la fois important et sérieux, avec Insomnia (2002, Christopher Nolan), sorti la même année. Car oui, Robin Williams a fait de bons films dans les années 2000, ne se contentant pas de jouer un bien pâle président dans La nuit au Musée, ou de prêter sa voix à des manchots (ou des pingouins, qu’importe) dans Happy Feet. Non, une dizaine d’années avant sa mort, Williams était un acteur en pleine force de l’âge, l’un des plus demandés à Hollywood. Vainqueur de l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle en 1998 pour Will Hunting (1997, Gus Van Sant), il alternait pourtant les rôles sûrs et les films plus casse-gueule, comme le risqué mais magnifique Au-delà de nos rêves (1998, Vincent Ward).
Photo Obsession est de ces films risqués qu’a accepté l’un des acteurs les plus populaires de sa génération. Il y campe Sy Parrish (rien à voir avec Jumanji, mais bien tenté), développeur de photos pour une grande chaîne de centres commerciaux. Jusque-là, rien d’exceptionnel, et aucun intérêt à suivre la vie de cet homme tout ce qu’il y a de plus normal. Mais la particularité du film réside dans le fait que Sy, qui n’a pas grand chose à raconter, est totalement amoureux des photos et des personnes qui y sont figées. Plutôt que de produire un boulot correct comme le feraient la plupart de ses collègues, il fournit un service Quatre Etoiles mais, en retour, ne s’éloigne jamais de ses clients préférés, dont il s’imagine participer à la vie. Sy Parrich est donc un grand malade, mais personne ne le sait ni ne s’y intéresse…jusqu’à ce qu’il tente de briser un mariage car, selon lui, la femme (Nina Yorkin, Connie Nielsen) ne mérite pas de souffrir autant.
C’est ainsi un film à plusieurs niveaux, qui commence par une mise en tension radicale et directe, immergeant immédiatement le spectateur dans l’histoire de Sy. On s’attache à ce personnage solitaire mais sympathique, dont la tristesse n’apparaît qu’aux yeux d’un enfant de neuf ans, le fils de Nina, Jake (Dylan Smith). Apparaît donc une situation claire, la séparation entre une famille heureuse et soudée et un homme qui ne vit qu’à travers celle-ci, s’imagine à la place du mari ou sur le canapé, en tant que l’oncle Sy. La tension monte rapidement, et c’est là un coup de maître, mais surtout se maintient, ce qui est encore plus fort, grâce à des situations qui affaiblissent la position de Robin Williams, mais aussi Connie Nielsen. La justesse des jeux des deux acteurs est à féliciter, bien aidés il faut le dire par la justesse derrière la caméra de Mark Romanek, réalisateur de clips émérites qui signait là son premier film pour le cinéma.
On regrettera cependant que personne, à l’exception des deux acteurs principaux, ne parvienne à tirer son épingle du jeu. Il faut également voir en ce film surtout un divertissement, qui met de côté de nombreux soucis, les écarte de son chemin sans les régler, ce qui laisse un goût d’inachevé à un métrage qui avait tout pour obtenir, au moins, un succès critique. Souvent, on a l’impression que certaines situations servent vraiment Robin Williams, qui évite plusieurs fois de peu d’être découvert et passe ainsi encore plus pour un miraculé, aidant le scénario à se dérouler sans encombre (comme c’est bizarre). Ainsi, quand le patron de Sy est proche de voir qu’il tient la photo de clients ou quand ce même patron découvre une anomalie, ça ne va pas plus loin, et le personnage principal peut donc continuer sa passion pour les Yorkin, augmentant par la même occasion le danger qu’il représente pour eux. On peut donc garder un goût amer dans la bouche, puisqu’un film très bien parti se laisse emporter par des détails qui le décrédibilisent.
Cependant, Robin Williams livre une prestation habitée, une de ses meilleures à ce jour (et probablement pour un petit moment vu sa situation). Sa voix se prête parfaitement à ce personnage mal dans sa peau et qui, plutôt que d’améliorer sa situation, veut que tous soient dans la sienne. Connie Nielsen est également excellente, profitant des quelques situations qui lui sont proposées pour s’exprimer. Appuyés par un scénario en béton armé de carton pâte, les deux acteurs sont ainsi excellents dès que possible et bons quand ça devient difficile, rendant le tout absolument digeste malgré les incohérences. Un bon film, à recommander si on n’a que 90 minutes devant soi. D’autant plus qu’il s’agit là d’un des derniers grands rôles de Robin Williams, le regretté professeur Kitting.