Avec True lies, sans doute le meilleur film d’action des années 80-90, vif, spectaculaire et drôle, même si l’humour ne s’accorde pas toujours à certaines scènes (voire même à l’ensemble du film), contrairement au film de Cameron qui, lui, joue de toute façon sur la parodie et l’exagération permanentes. Adapté d’un roman de Roderick Thorp, Nothing lasts forever, racontant la lutte armée dans un building désert entre un détective et un groupe de terroristes, le film en reprend la trame principale, ramène l’action à une nuit (trois dans le livre) et mise avant tout sur le rythme et les émotions fortes.
La première version du scénario était, paraît-il, dépourvue d’humour et tirait vers le trip noir nihiliste et violentissime. C’est McTiernan en personne qui demanda une réécriture pour ainsi désamorcer la tension dramatique de l’histoire qui aurait pu être, à la longue, trop pénible pour le spectateur. Argument finalement peu convaincant (et regrettable) au regard d’un humour parfois indigent qui vient contrecarrer un flux nerveux alors diminué dans son élan.
Plusieurs scènes brutales sont ainsi gâchées par des répliques et des situations servant de défouloir du pauvre à de supposés spectateurs stressés, sans parler de plusieurs poncifs qui, eux, nuisent beaucoup à la crédibilité entière du film (Karl encore vivant à la fin, Al qui s’était juré de ne plus se servir de son arme mais l’utilisant quand même à un moment crucial, le presque monologue lénifiant d’un John agonisant dans les toilettes…), même si ceux-ci participent finalement à faire de Piège de cristal le film d’action de référence jusque dans ses clichés et ses maladresses. Au demeurant, certaines répliques sont réjouissantes ("Une menthe ?", "C’est moi qui le tue"…), et la descente en flammes des journalistes, de la police et du FBI (tous des bras cassés) est assez savoureuse.
Ces quelques défauts n’empêchent pourtant pas d’apprécier Piège de cristal dans sa globalité, pur plaisir sensationnel relevé par le magnifique score de Michael Kamen et la mise en scène carrée de McTiernan qui s’approprie les espaces avec une rare maîtrise. Combinant les opposés sur les échelles de plans, de lieux et d'ambiances (dedans/dehors, descendre/monter, aéré/confiné, petit/grand), McTiernan utilise toutes les ressources possibles de son décor unique pour en faire un terrain de jeu presque théorique, un environnement abstrait progressivement gangrené par un capharnaüm imprévu. Cette dynamique du contraire se retrouve jusque dans l’interprétation des acteurs, le jeu glacial et suave d’Alan Rickman contrastant avec la décontraction juvénile de Bruce Willis.
La mécanique de destruction enclenchée par l’intrigue permet à McTiernan de joyeusement "saboter" son film, tout ce qui est montré à l’écran se devant d’être anéanti à un moment ou un autre, voitures, chars, hélicoptères, décors comme personnages (voir l’état dans lequel McClane termine l’aventure ou le plan incroyable de Gruber chutant dans le vide). Ce fabuleux foutoir apocalyptique aux règles secrètement conceptuelles a redéfini les bases d’un spectaculaire haut de gamme ainsi que la notion du héros moderne, simple, débrouillard et courageux (et si possible américain).