Dans les années Quatre-vingt, John McTiernan débarque comme un gros fou furieux, bien décidé à changer la donne quitte à foutre un beau bordel au milieu d’un paysage du film d’action Hollywoodien qui commence déjà à ronronner tranquillement au milieu de ses figures héroïques armées jusqu’aux dents et aux gros muscles stéroïdés.


Il avait débuté son travail d’excellente manière en 1987 avec son Predator, qui devint rapidement culte. Dans celui-ci, il avait déjà commencé à déboulonner les figures héroïques aux gros muscles en en faisant les proies sans défense d’un prédateur venu de l’espace. Schwarzenneger n’avait à la fin du film d’autre moyen pour survivre que de revenir à une forme de sauvagerie primale faisant fi de la technologie dans ce qui était déjà un pied de nez volontaire face à l’escalade d’armes et d’explosions toujours plus impressionnantes dans laquelle l’actioner hollywoodien lambda s’était engouffré en poussant un gros « huaaaaarg » bien guerrier (et qui bien entendu ne respirait ni l’intelligence, ni la subtilité) avec des films comme Rambo 2 par exemple.

Dans Predator, l’attaque du village par nos supers soldats en milieu de film démontre que McTiernan s’y entend comme pas deux pour filmer l’action et qu’il pourrait se contenter de rendre une copie de Rambo 2 dépourvue de la moindre originalité mais lui damnant le pion très largement au niveau de la mise en scène sans forcer son talent.

Sauf que John, c’est pas tellement son style. Il aime bien pousser le bouchon un peu plus loin (ce qui lui vaudra quelques déconvenues dans la suite de sa carrière cinématographique et même quelques déboires au niveau pénal, mais à l’époque le soleil brille pour lui), donc une fois que son Predator est dans la boite, il s’attèle à son projet suivant : Die Hard.

Comme souvent chez lui, il sera question d’un lieu. C’est la jungle dans Predator, Un immeuble dans Die Hard, ou un sous-marin dans A la poursuite d’Octobre Rouge. Mais vu que, comme on l’a déjà dit, McTiernan aime entretenir l’art du contre-pied, il va choisir de situer sa haute tour à Los Angeles, une ville ayant la réputation de s’étaler plutôt que de s’élever contrairement à New-York ou le Nakatomi Plaza aurait eu toute sa place.


Puisqu’il n’est pas à un pied de nez près, McTiernan va redéfinir le héros de film d’action Hollywoodien pour les années à venir en choisissant dans le rôle principal du policier John McLane un dénommé Bruce Willis.

Peut-être qu’aujourd’hui, Bruce Wilis est devenu une évidence comme rôle principal de ce genre de film, mais à l’époque, ce choix avait provoqué des grincements de dents au niveau des studios. Qu’est-ce que c’était que cet énergumène qui caste Bruce Willis, un acteur qui s’était essentiellement illustré dans la comédie avec la série Clair de lune (Moonstruck) ou le film de Blake Edwards Boire et Déboires, plutôt qu’un Schwarzenegger ou un Stallone bien comme il faut et dont les noms sont assurés de ramener du flouze par brouettes entières elles-mêmes contenues dans des camions remorques ?

Ben le gars s’appelle John Mc Tiernan et il les emmerde bien comme il faut, parce que Bruce pour lui il est parfait. Il faut que McLane soit plus humain qu’une machine de guerre indestructible ; il faut que le spectateur craigne pour lui parce qu’il risque vraiment d’y rester, et par-dessus tout, il faut que McLane soit drôle ! Il faut qu’il ait de la gouaille, et ça le sieur Willis n’en manque pas.

Pour John, Willis est parfait et il n’en démord pas. Mais vu que McTiernan a oublié d’être idiot et qu’il sait qu’un film est d’autant plus réussi que son méchant l’est aussi, il va choisir l’incroyable Alan Rickman pour incarner à l’écran Hans Gruber. Rickman tiendra tellement bien son rôle qu’il sera abonné aux personnages de méchants charismatiques tout au long de sa carrière. Pour les rôles secondaires, le reste du casting est un sans-faute. Tout est en place pour que McTiernan réinvente le film d’action.


Die Hard tourne comme une montre suisse : tout y est parfaitement minuté ; tout est chorégraphié aux petits oignons avec un double supplément humour et action à gogo.

La quasi unicité de lieu (si on excepte les manœuvres du journaliste et celles des flics juste à l’extérieur du Nakatomi Plaza) fonctionne à merveille et nous entraine dans une sorte de huis clos d’action étouffant. Le jeu du chat et de la souris entre Gruber et McLane est des plus délectable. Enfin le jeu permanent sur la chute, le vertige(introduit dés l’arrivée de McLane en avion à Los Angeles où il se plaint de vertiges à un passager) et la verticalité dans la mise en scène de McTiernan ajoutent un vrai plus dans lequel thémes et style s’entremêlent et se renvoient les balles, si je puis dire. A noter également que McTiernan utilise de nombreuses idées de cadrage pour caractériser les personnages, leur psychologie, mais aussi les retournements de situations qui se déroulent dans les dialogues : la scène sur le toit ou Gruber se fait passer pour un otage auprès de McLane qui utilise le plan débullé/Dutch angle pour induire un doute psychologique sur Gruber, mais aussi pour le spectateur sur le fait de savoir si McLane a compris ou non à qui il a affaire en est un merveilleux exemple parmi d’autres

Bref l’ensemble des éléments concourent à faire ce Die Hard un classique du film d’action qui consacrera Bruce Willis comme une des grandes stars du genre au point même qu’il aura quelques difficultés à se dépêtrer de cette image de héros d’action et qu’il faudra attendre Pulp Fiction et L’Armée de douze singes pour qu’on voie en lui, et qu’on lui propose à nouveau, autre chose que des erzatz de McLane.


John McTiernan ne participera pas au second épisode de la saga (et ça se voit) mais reviendra pour le troisième opus( tout aussi réussi que celui-ci) afin de se remettre de l’échec, assez injuste de mon point de vue, de son Last action Hero.

Malgré la franche réussite de ce troisième opus, il ne renouera pas avec le succès par la suite : Le 13 ème Guerrier sera un gros flop au box-office, et ses films suivants ne feront pas mieux jusqu’à son désastreux Rollerball, film qu’il voulait être un ambitieux remake de celui de Norman Jewison et qui s’avérera être une catastrophe artistique et humaine allant même jusqu’à l’entrainer en prison pour une histoire de parjure suite à des écoutes pratiquées par un détective engagé par McTiernan afin de se tenir au courant des intentions de son producteur de l’époque… Bonjour l’ambiance !

Tout ça signe la mort définitive de McTiernan en tant que cinéaste et nous prive de quelques films supplémentaires qu’il aurait pu réaliser et c’est tout de même un peu triste.


Mais il nous reste toujours quelques films incroyablement réussis (Predator, Die Hard 1 et 3, A la poursuite d’Octobre Rouge, Last Action Hero) pour nous rappeler ce que John a apporté à une époque au cinéma d’action et ça, c’est tout de même chouette.


Il me reste donc à vous souhaiter un joyeux Noël puisque le film se déroule en cette période, et à vous conseiller de regarder à nouveau Die Hard avant la fête : il parait que ça n’est jamais vraiment Noël tant qu’on n'a pas vu Hans Gruber chuter du Nakatomi Plaza !

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le 6 déc. 2024

Modifiée

le 6 déc. 2024

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Samu-L

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