Il existe bien des manières de gâcher un réveillon. Parler politique avec son père. Se quereller avec son entourage pour des histoires d’héritage ou bien se mêler à une prise d’otage en jouant les cow-boy de bas-étage. John McClane en sait quelque chose, lui le policier du NYPD en congé et à l’opposé de son terrain de jeu préféré. Pour une fois, il faisait l’effort de venir passer les fêtes avec son ex-femme à Los Angeles dans l’espoir tenu secret d’une réconciliation amoureuse qui donnerai un peu plus de sens à sa vie. Mais les retrouvailles tant attendus sonnent creux, lorsque ce dernier s’aperçoit qu'Holly a repris son nom de jeune fille pour mieux l’écarter de sa vie. Une fois encore, la frustration et l’agacement domine les ébats.
Décidément, John ne se refait pas. Mais la soirée va prendre une toute autre tournure lorsque Hans Grubber et sa bande de malfaiteurs vont tenter de commettre un attentat sur le Nakatomi Plaza. Une tour de verre implacable de 40 étages évoquant les grattes ciels New-Yorkais, qu’empruntera notre cher policier va-nu-pieds armé de son unique courage et d’un Beretta. Le commando coupe bientôt toutes les communications avec l’extérieur. Et avec une côte de douze contre un, les chances de survie semblent aller de mal en pis à mesure que les terroristes quadrillent le bâtiment à sa recherche.
Cette année encore, Noël se fera dans le sang, la sueur et les armes avec la traditionnelle rediffusion de Piège de Cristal à la télévision. Mais pourquoi aimons-nous tellement cet actionner de John McTiernan ? Son environnement déjà, servant de point convergence à toutes les forces en présence et destinées de ses protagonistes vivant autant de péripéties qu'il y a d’étages à arpenter dans cette immense tour de béton de verre et d’acier. Holly qui espérait pouvoir passer un bon moment en famille va devoir parlementer pour calmer les ardeurs de Hans Grubber et de son groupe de braqueurs sur les nerfs. Tout semblait aussi bien rôdé qu’une horlogerie suisse. C’était néanmoins sans compter sur la présence d’un certain grain de sable, grippant la machinerie et entravant le plan des méchants de s’accaparer le trésor enfoui dans le coffre-fort. Al Powell espérait pouvoir rentrer chez lui après sa patrouille de nuit, mais allait se retrouver mêlé à cette prise d’otage suite à un corps balancé du haut d’une baie vitrée.
Le décor servant de cadre à l’action fera donc office de personnage à part entière. Sa confection rectiligne fait s’imbriquer les conduites d’aérations, corridors et bureaux où se télescopent les principaux acteurs, contraignant le héros incarné par Bruce Willis à faire preuve de verticalité afin d’échapper à l’emprise de ses assaillants lourdement armés. Au carrefour de ses références, Piège de Cristal emprunte autant au western, au disaster et au thriller entre ses mano à mano à couteaux tirés, son intrigue à rebondissements, et ses énormes explosions ravagant l’intégralité des étages. Tel un phare se dressant fièrement dans le paysage hollywoodien, le film se positionne comme un modèle de prédilection pour de nombreux apôtres qui reprendront les mêmes idées conceptuelles de huit-clos claustrophobique et d’un héros faillible, et beaucoup plus vulnérable face au danger.
Si l’acteur était habitué à jouer les détectives privés au côté de Cybill Shepherd (Clair de Lune), il change totalement de registre et de dimension à partir de ce film. Le choix de caster un homme au physique de moindre envergure que les superstars inébranlables et valeurs sûrs que sont Stallone ou Schwarzenegger paraissait aussi audacieux que suicidaire à une époque où ces derniers s’imposèrent dans le cinéma d’action. Cette décision est finalement un peu à l’image de ce personnage marchant en funambule sur un étroit filin, jamais bien loin de chuter et d’atterrir avec perte et fracas en contrebas. Son apparence, ses imperfections et son caractère de cochon font de lui un looser magnifique auquel les spectateurs peuvent immédiatement s’identifier. Ses rhétoriques grinçantes et son tempérament témoignent également d’un homme solitaire frustré par sa condition de policier.
Des sueurs froides dans les cages d’ascenseur, aux gunfights nerveux et explosions envoyant sur lui des débris de verres pilés sur lesquelles il va s’écharper la plante des pieds, McClane passera assurément un sale réveillon. Avec son esprit frondeur, John McTiernan n’épargne pas les institutions (FBI, et médias journalistiques) avec lesquelles il aura d’ailleurs quelques démêlés judiciaires quelques années plus tard. Dans ses instants de grâce, Bruce Willis verse également des larmes de désespoir, pour un rôle qu’il tenait pourtant en bien piètre estime, sans même se soucier des retombées qu’un tel succès critique et financier pourrait engendrer pour lui. On ne va pas le plaindre, il y a pire façon de finir l’année.
En cette période de festivités où il convient de se réunir en famille, d'ouvrir les cadeaux et de déguster une bonne pintade fourrée. L’Écran Barge vous propose de déterrer la hache de guerre en pervertissant l'esprit de Noël. Cette sélection de films saisonniers accompagnés de critiques virulentes et acerbes est donc réservés aux viandards, aux bisseux, aux tueurs de masses, aux durs à cuirs, aux frustrés et à tous ceux qui ne croient plus aux bons sentiments et à la paix dans le monde depuis bien trop longtemps.