Cette analyse de Pieles (2017) réalisé par Eduardo Casanova ira de pair avec le troisième et dernier volet de la trilogie de M. Night Shyamalan, Glass.
Le réalisateur Eduardo Casanova présente comme ce qu'il semblerait être une oeuvre hybride entre l'esthétisme calibré, épuré et coloré de Wes Anderson (The Grand Budapest Hotel), et la réalisation scabreuse et obscène de Pedro Almodóvar (La piel que habito). Deux références - une ibérique, l'autre outre-atlantique - s’inscrivant au sein de mouvements cinématiques contemporains substantiels, puisque glorifiant tout deux l'anticonformisme et le visuellement sophistiqué.
Dans cette démarche, Pieles figure comme une satire sociale matérialisée par un esthétisme hyperréaliste. Le spectateur entre dans l'intime vie de personnages marginalisés atteints de difformités et de troubles psychologiques.
Dans cette quête "revendicative" du non-conformisme, l'oeuvre ira jusqu'à repousser les limites de la difformité par la représentation d'un personnage avec un anus à la place d'une bouche. Le tout qui plus est ambitieusement rangé dans la case premier degré. Fallait bien qu'on le fasse un jour.
Difficile sera de trancher entre "choquer pour faire consommer" ou "choquer pour perturber", et altérer les codes de l'exposition des corps au cinéma.
Parce qu'il est question de cela avec Pieles ; l'oeuvre y expose des corps - souvent nus - de ces personnages, victimes de leur positionnement social, peut-être plus que de leur difformité même.
Une exposition qui dans la lecture filmique, fait référence au fantasme de la difformité, de la dimension extraordinaire de l'individu "anormal", ou au contraire de la dimension ordinaire de ce dernier.
Une exposition par les objets et les couleurs, puisque les personnages agissent et interagissent parmi des décors réfléchis, minutieux et organisés, d'abord de part cette symétrie obsessionnelle, puis via cette omniprésence de couleurs écrémées, vives et naïves faites de rose et de violet. Des couleurs qui rappellent la peau, l'organe, ce qui relève en tout cas de l'intime et du vital.
Assez mitigé, principalement sur le fond, puisque confus concernant les intentions de l'oeuvre. Un film aussi démuni de fin, à l'instar du phénomène social aussi délicat soit-il on me dira. Puis cette nécessité à lier les sous-intrigues, pour constituer superficiellement une histoire ? Comme l'impression que ce Pieles est une succession d'idées non-abouties.
Toutefois, il semble se dessiner une vision progressive et revendicative. Le temps où les personnes difformes sont restreints au genre horrifique et mélancolique arrive t-il à sa fin ? Ou du moins cela a t-il une si grande importance, et pourquoi ?