Pierrot, l’homme fou d’être humain !

Légèreté, liberté et poésie sont les fils conducteurs de cette œuvre qui a indéniablement sa place parmi les chefs d’œuvres du cinéma.

Tout au long de ce film on se sent bien, on a envie de savoir, envie de goûter, envie d’être, envie d’essayer. Ce film fait tout simplement vivre le spectateur. Jean-Luc Godard nous transporte dans le monde d’un fou, qui n’a pourtant que le nom puisque ce dernier a finalement compris les rites de l’homme dans sa vie sociétale et opte pour une démarche anticonformiste.

Ce film c’est oser, savoir aller à l’essentiel, oublier le superflus. C’est l’explication de ce que devrait être la vie. Le couple négocie, manigance et tue parfois cet environnement externe qui nuit au développement de l’être ou du moins qui empêche le développement de ce que devrait être notre vie. On pourrait même dire que le réalisateur donne l’exemple en n’incluant pas des scènes d’ébats qui auraient sans doute ralenti le rythme de ce film.

Au cours de ce chef d’œuvre, rien n’est superficiel tout est simple, léger et accessible. La mort les attend alors à quoi bon s’attarder sur ce qui ne fera que retarder le fruit de l’émancipation de leur existence (à l’image du passage où Pierrot, où Ferdinand imite une personne âgée faisant le bilan de sa vie). Le message qu’il cherche à faire passer est de montrer qu’il faut vivre sa vie et éviter les regrets qui ont parfois une corrélation trop importante avec le rythme de notre société.

La superficialité et la stupidité sont également évoquées, au travers notamment de la guerre du Vietnam. Une belle preuve d’audace de la part de JLG de critiquer l’inutile est de ce que l’on pourrait comprendre comme étant le summum du ridicule. Comme en témoignent leurs interprétations d’un Vietnamien se faisant exterminer par un Américain.

Godard se moque également de la religion avec un passage osé sur l’islamisme. Il a sans doute choisi cet exemple car c’est sans doute celle qui est la plus décalée de nos religions (finalement assez proches). On peut comprendre implicitement que l’être doit se construire au-delà des croyances et de s’émanciper avec l’accessible et l’authentique.

Ensuite, ce que l’on pourrait qualifier de remarquable est la valeur ajoutée que JLG apporte constamment dans cette œuvre. Les acteurs parlent directement au spectateur, le faisant ainsi s’interroger parfois sur ce qu’il est. Ainsi, le spectateur est amené à se questionner lui-même sur le parcours de son existence.

La chronologie également est habilement choisie à l’image d’une vie simple au départ dans des lieux typiques où la société n’a pas encore exercé son influence. Dans ces moments tout se déroule alors pour le mieux, ce qui n’est pas du tout le cas lorsque le film avance et que le couple finit par être en quelque sorte rattrapé par les attraits de la société. A l’image de la fin où l’on voit écrit VEGAS, lieu où périt le couple. On ressent également le sentiment de révolte de cette société française qui se fera entendre 4 ans plus tard.

En outre, les échanges sont très dynamiques de par l’interactivité des dialogues, où l’un est l’autre complètent les phrases de chacun. Ce qui enlève une certaine monotonie que peut avoir parfois un monologue.

De plus, il y a d’autres artifices dans cette œuvre particulièrement agréables, tel que ce sentiment de liberté sur la plage, dans la voiture ou encore dans le bateau. Il y a une certaine ivresse de la joie de la vie qui lorsque l’on accroche à ce style de cinéma envoute littéralement le spectateur.

Enfin, puisque ce film offre également plusieurs passages où chacun est libre de se faire sa propre interprétation, je pense également que le Godard insiste sur le fait que rien n’arrive au hasard que beaucoup de choses qui ne paraissent pas prédestinées le sont finalement. A l’image du nombre de fois où ils se retrouvent comme par miracle …

Ensuite, l’absurdité de sa réponse 137. L’incohérence apparente de sa réponse avec ce 137 devient évidente dans le sens où le réalisateur cherche à montrer la manière dont on doit optimiser son temps.

Pour finir, la fin, l’autodestruction, est très forte. Les couches de dynamites pour montrer sans doute la honte de l’évolution de notre société ou d’une partie de la société ou de l’évolution de l’être ou peut-être tout simplement de son impossibilité de vivre avec sa « douce », la vie dont il rêverait avec cette ivresse et cette liberté au sein de cette société. Ce dénouement reste ouvert…

Une chose est sûre cependant : Pierrot le Fou est un chef d’œuvre authentique non seulement pour le cinéma français mais également pour l’histoire de cinéma à l’échelle internationale.

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le 6 mars 2014

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Extraphile

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