"Ecoutes ça, petite fille!"

C'est un scandale.
En un mot : l'émotion.

Si le film n'a pas d'unité, on a l'impression d'être unique.
Le clair, le logique, l'organisé, c'est le roman. Ce n'est pas la vie.

« Debout les morts » ! Crie Marianne. Puis elle chante.
De la peinture.
Lumière bleue, lumière rouge.

Marianne et Pierrot ont rendez-vous avec le monde, avec leurs pieds Nickelés. C'est le chapitre 8 : une saison en enfer. Chapitre  8 : nous traversons la France. Ils peuvent faire ce qu'ils veulent, ils sont au cinéma. Mais lorsque Pierrot commence à sentir l'odeur de la mort, Marianne ne pense qu'à rigoler.

-Qu'est-ce qu'on fera ?
-On existera. C'est la vie !

Pierrot le fou, c'est aussi le chapitre 7 : Ferdinand qui décide d'écrire son journal lorsqu'ils vivent de chasse et de pêche. Mais le chapitre 7, 'est surtout Marianne qui ne sait pas quoi faire. Ferdinand veut faire de la pensée un objet : c'est Godard qui veut faire du cinéma.

« Ah, quel terrible neuf heures du soir... Le sang je ne veux pas le voir. »

Pierrot le fou, c'est aussi des cartons.
CINEMA

Oui, Pierrot le Fou, c'est construire un art en déconstruisant les autres. La littérature : découpée. La peinture : barbouillée. L'image: recomposée. C'est l'art qui crie en silence. C'est Godard qui pense devant nous, par un jeu de lumières à l'écran. C'est nous qui pensons à Godard. Qui pensons Pierrot. Qui pensons comme lui.

Et puis c'est Balzac 752.
Nittamite.

Nous serions tous des Pierrot, le fou. Au dernier moment, nous ne voulions plus voir le sang ou la mort, sinon regarder la vie en face, soit l'art à l'écran.

Pierrot le fou, c'est le cinéma qui résiste, qui persiste, du souvenir. Quel souvenir en avez-vous? Ou plutôt, quelle image en avez-vous ?A. Karina qui « ne sait pas quoi faire... » Sa ligne de chance, ou sa ligne de hanches ; la femme qu'elle est dans sa robe rouge, sous l'objectif, aux yeux de Godard. Pierrot qui pense, qui écrit. Quelques mots sur son carnet, le bleu de la mer, sa voix. Velasquez, un feu d'artifice, des lettres colorées sur fond noir ; un générique, un film, un réalisateur, Pierrot, un acteur, Rimbaud...

"Pendant que j'assistais à la projection de Pierrot, j'avais oublié ce
qu'il faut, paraît-il dire et penser de Godard. Qu'il a des tics,
qu'il cite celui-ci et celui-ci là, qu'il nous fait la leçon, qu'il se
croit ceci ou cela... enfin qu'il est insupportable, bavard,
moralisateur (ou immoralisateur) : je ne voyais qu'une chose, une
seule, et c'est que c'était beau. Mais le lecteur d'aujourd'hui
supporte mal le superlatif. Tant pis. je pense de ce film qu'il est
d'une beauté sublime. Je voulais vous parler d'art, je ne parle que de la vie."
Louis aragon