Godard se propose ici de détruire le temps et l'espace pour les reconstruire à sa façon. Parfois, ça fonctionne, parfois pas. C'est parfois pertinent et drôle, parfois incongru et ennuyeux. Mais le tout s'avère porteur d'un charme tout particulier, qui lui procure ce statut que je considère comme honorable en tous points : le statut d'OFNI (Objet Filmique... vous avez compris).
Deux choses sont privilégiées dans ce film.
Tout d'abord l'image, ou plus particulièrement les couleurs, souvent vives et contrastées, qui titillent les yeux, taquinent, ou provoquent. Ce sang absolument pas crédible qui se place comme annonciateur d'un cinéma gore/bis à venir, ces robes colorées et voyantes de Marianne, ces jeux de peinture, de lumières, etc.
Ensuite, le charisme des acteurs est la deuxième chose qui absorbe l'attention du spectateur, ou qui a en tous cas absorbé la mienne. Le pouvoir attractif de Belmondo et Karina est tellement fort qu'on arrive presque à les écouter raconter des conneries sans broncher pendant quasiment 2 heures. C'est en soi une performance admirable, peu leur arrive à la cheville (surtout dans le cinéma français...), et je dis bravo.


Après, voilà. Pierrot le fou s'amuse avec les ressources du cinéma, les détruit, les reconstruit... Il a l'air libre dit comme ça, mais cette position pseudo-expérimentale le condamne paradoxalement à être limité à son époque, limité à une chronique, une trace des tâtonnements techniques et narratifs du cinéma de Godard à ce moment-là. Des expérimentations techniques toutes bêtes comme l'utilisation du son pour créer une deuxième narration, la prise à parti du spectateur ou encore reprendre les répliques sur deux plans différents auraient pu être plus prenantes si elles étaient réalisées avec plus de conviction et de cohérence, il manque de suite dans ces idées lancées les unes à côté des autres.


Au final on a un film qui nous met face au vide de la vie, à l'absurde de la réflexion, des pensées, de la littérature, de la poésie, de l'art, et du coup, du cinéma. Certains y voient un gribouillis pseudo-intellectuel (en utilisant cette expression "branlette intellectuelle" que je hais par dessus tout !!), j'y ai plutôt vu un gribouillis, certes, (le film est une sorte de brouillon de film) mais tout sauf intellectuel !
C'est très bête comme film, absurde, bien pensé mais composé d'une façon assez débile. Mais c'est cette débilité qui rend la chose fascinante, et qui ne m'a pas permis de décrocher devant l'oeuvre.
Si ce n'est probablement pas le film le plus intéressant de son auteur, il reste incontournable car malgré ces nombreux défauts, et son allure un peu bâtarde, il reste un film très inspirant. On voit dès ici que Godard deviendra une source d'inspiration angulaire pour certains films géniaux de la même trempe (les films de Gregg Araki, pour n'en citer qu'un), et rien que pour ça, ça vaut le coup d'oeil.

C'est une oeuvre pas notable en soi (j'ai mis 6 par défaut car le 5 a pour moi une connotation négative), pas jugeable non plus, et je ne comprends pas comment on peut l'adorer ou la détester.

burekuchan
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le 19 janv. 2016

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burekuchan

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