De mutilation en extrême onction...

Le film ne passait presque plus, sa diffusion était confidentielle, les critiques étaient divisées à son sujet et son prix (Lion d'or tout de même), très discuté. Pietà avait tout pour me plaire : le cinéma coréen dans ce qu'il peut avoir de poétique et de violent, l'inspiration symbolique et religieuse à des figures et des formes rémanents de l'inconscient collectif, j'en espérais tellement.

Sauf que voilà, dès le début, ça ne passe pas. Un handicapé se suicide, sordide. Puis c'est une amputation, un viol, une masturbation, des animaux maltraités, une femme violée par son fils puis qui en redemande presque, des suicides, des meurtres, des mutilations en tout genre, de l'hystérie de chaque instant... On a vite la gerbe, on s'ennuie ferme, on en a marre. Il y a avait moyen d'en faire quelque chose : Pasolini l'aurait fait. La religion n'est jamais convoquée pas même sa symbolique, ou de manière bien trop lointaine : Kim ki Duk n'a pas l'air de connaître grand chose aux valeurs chrétiennes. Son film est d'une imbécillité rare : la "mère" s'obstine sans raison, le fils s'en éprend violemment après l'avoir violée, et le rapport bourreau victime peine à s'inverser. Au mieux c'est juste lourd, au pire c'est totalement incohérent. La palme de la scène la pus idiote revient à celle de ce jeune homme qui marchande pour se faire couper l'autre main et avoir plus d'argent.

C'est dommage, car on sent l'ambition politique et sociale du film : la Corée des pauvres, des bidonvilles de locataires surexploités, endettés et travaillant dans des ateliers minables à des tâches qui les tuent, l'ignorance des riches, la cruauté des créanciers et des mafieux. Mais rien ne marche, tout patauge. La mère joue bien et les rares plans réussis du film la captent, cheveux au vent, maquillage impeccable, belle, triste et seule. Vers la toute fin et la résolution tragique un brin tordue, le film voit un peu de mieux et laisse poindre ce qu'il aurait pu être. Mais tout le reste est gâché par un penchant vers le grotesque et l'absurde qui ne me touchent pas (le cinéma coréen verse souvent dans ce registre et me laisse systématiquement de marbre, sauf dans les délires d'esthète baroque à la Im Sang-soo), les images sont parfois vraiment laides, la musique atone et la mise en scène peu inventive.

Un triste échec qui vient rappeler que dans le domaine de la provocation intellectuelle, tout le monde ne s'appelle pas Pier Paolo Pasolini ou Gaspar Noé.
Krokodebil

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