Le dix-huitième film du réalisateur sud-coréen, puisque c'est présenté ainsi dans le générique, est à la fois un thriller, un état des lieux d'un pays qui connait aussi la crise économique en jetant dans la misère une partie de la population et enfin une allégorie marquée par le pardon et la rédemption. Pas simple de faire tenir ces trois registres dans une même œuvre qui semble déjà se parer des atours d'une farce cruelle et morbide, avant de viser des objectifs plus nobles. Pour récupérer des primes d'assurances, des clients sont prêts à se mutiler et s'ils ne peuvent le faire eux-mêmes, le personnage principal du film s'en charge. Homme solitaire et violent, sans états d'âme, il voit son existence bousculer le jour où une femme, qui se prétend sa mère, qui l'aurait abandonné à sa naissance, le suit puis l'accoste. On entend dire que le réalisateur de Locataires se complait dans la violence, mais celle-ci n'est jamais frontale puisqu'elle est traitée hors-champ, souvent derrière le rideau de fer baissé d'un atelier qui, avec ses bruits monstrueux et ses machines anxiogènes, ressemble à une espèce d'antre de l'enfer. Donc, plus que la violence, c'est l'ambiance glauque d'un monde à part de bidonville appelé à disparaitre qui peut créer le malaise. Progressivement, le réalisateur se resserre sur l'étrange rapport entre le fils solitaire, dénué de tout sentiment, et sa mère supposée. Ce nouvel élan qui amène le film sur une autre piste est salutaire et relance l'intérêt. Le héros qui commence à ressentir quelque chose s'humanise et nous interpelle, alors que jusqu'alors sa cruauté aux actes répétitifs nous avait plutôt ennuyés. Vengeance, complexité des rapports humains et agonie d'une société qui conduit ses membres à des gestes dramatiques et assumés sont les composantes d'un long-métrage accrocheur, servi par une mise en scène minutieuse et toujours inventive.