Ce film m’a toujours laissé le cul entre deux chaises. Déjà à sa sortie, j’avais eu ce sentiment de ne pas savoir réellement quelles étaient les intentions de Gérard Jugnot (acteur et réalisateur mais également co-scénariste sur ce film) et de ses deux comparses dans l’écriture. Aujourd’hui encore, je n’arrive pas à définir ce film. Le parti pris comique est évident, mais le portrait sociétal est d’un glauque! Oui, le fond est foncièrement attristant. Est-ce un souci de réalisme? Gérard Jugnot a-t-il voulu créer une sorte de comédie réaliste, ou plutôt, un peu à l’image de la comédie italienne, une satire très sombre par le biais de situations presque grotesques?
Quoiqu’il en soit, le personnage de Pinot, joué par Jugnot lui même, est abordé d’abord sous l’angle franchement comique et peu à peu une sorte de gravité, sinon romantique au moins morale, l’emplit jusqu’à l’obsession, la colère et même jusqu’à des actes héroïques surprenants. Il y a bien une jolie progression du personnage. Le comédien en profite pour faire montre de la très large étendue de ses talents. A l’époque, je me demande même si ce n’est pas le premier film dans lequel on peut apercevoir de cette palette.
Autour de lui gravitent des comédiens plus ou moins expérimentés, parmi lesquels Pierre Mondy. Il ne fait qu’une trop brève apparition à mon goût pour qu’elle soit aussi marquante qu’on l'espérait. Jean Rougerie pour sa part a beaucoup plus à se mettre sous la dent, accompagnant Pinot dans ses missions extérieures. Toujours aussi bon, le comédien profite de son physique et de sa voix hors-pair pour asseoir un comique efficace. J’aime le petit rôle amusant de Gérard Loussine, un acteur qu’on voyait fréquemment à la télé dans des émissions comme
ou
et qui a un peu disparu des écrans malheureusement. La prestation de Fanny Bastien est convaincante. Ce film aurait pu marquer un début de carrière plus flamboyant, ce ne fut pas vraiment le cas. Sa filmographie est maigrelette mais pas non plus famélique, correcte, disons qu’elle semble peu en rapport avec le talent de l’actrice, on l’aurait pensée plus grasse.
On suit donc avec un certain plaisir le quotidien de Pinot, ce simple flic, dans l’aventure banale de tous les jours, avec les petits tracas de cette police pataugeant dans la France d’en bas, très bas, pauvre, camée, violente. Le portrait qui est fait du pays est relativement misérable, voire misérabiliste. Difficile d’y trouver matière à positiver un chouïa comme on pourrait s’y attendre dans une comédie réaliste. La charge est rude, ténébreuse.
Encore ce fichu malaise, cette comédie trop sombre, cette inadéquation fondamentale qui me chiffonne : pourquoi avoir assombri le film à ce point caricatural? On passe effectivement les bornes de la crédibilité, peut-être pour rendre le sentiment amoureux de Pinot plus beau, plus angélique encore car né sur un monceau d’immondices, sur la lie de la société? Plus fantasmagorique alors du coup? Parce que le réel, même au bas de l’échelle n’est ni noir, ni blanc, il est totalement bariolé, plein de nuances que le film oblitère complètement.
Restent quelques gags, des intentions louables et de très bons comédiens. Dans l’ensemble,
est un bon film.
captures et trombi