« Tell me you did not fire our lifeguards and replace them with... Strippers. » MADDY

Sorti en 2010, Piranha 3D de Alexandre Aja a réussi à attirer l'attention du public non seulement grâce à son utilisation inventive de la 3D, mais aussi grâce à son mélange de gore outrancier, d'humour noir et de satire. Le film a rapidement trouvé son public, en particulier parmi les amateurs de cinéma d'horreur et de séries B. Avec un budget relativement modeste, il a réussi à récolter plus de 83.000.000$ dans le monde, devenant ainsi un succès financier.

Soucieux de capitaliser sur cet engouement et de prolonger la franchise, Dimension Films a vu le potentiel d'une suite. L’idée était de repousser encore plus loin les limites en matière de gore et de comédie, tout en restant fidèle à l’esprit ludique et exagéré du premier opus.

Marcus Dunstan et Patrick Melton ont été engagés en tant que scénaristes principaux. Ils étaient déjà connus pour leur travail sur quelques épisodes de la saga SAW et sur la trilogie Feast de Dimensions Films. Ils ont une solide expérience dans l'écriture de films d'horreur avec une dimension gore. Leur mission était de créer une suite qui repousse encore plus les limites en termes de violence, de situations absurdes et d’humour décomplexé, tout en conservant l’esprit de la série B fun et provocatrice.

Joel Soisson a également participé à l'écriture, mais son rôle était davantage celui d'un script doctor ou d’un superviseur de scénario. Soisson est un vétéran du cinéma d'horreur et de la série B (ayant même réalisé des films de la trilogie Pulse par exemple), et il a probablement contribué à peaufiner le script en y ajoutant des éléments ou des révisions, notamment pour s'assurer que l'histoire colle aux attentes des producteurs et qu’elle soit cohérente avec la direction décalée de la franchise. Joel Soisson est aussi crédité en tant que producteur, ce qui lui donne une influence sur la gestion globale du projet, tant du point de vue créatif que logistique.

John Gulager a été choisi pour réaliser cette suite en raison de son affinité avec les films d’horreur déjantés et son expérience avec des productions au style sanglant et irrévérencieux. Il correspondait bien à la vision de Dimension Films ayant déjà travaillé avec eux sur la trilogie Feast (il a donc aussi déjà travaillé avec les scénaristes Marcus Dunstan et Patrick Melton). Ses précédents films ont prouvé qu'il pouvait équilibrer le gore extrême et l'humour décalé, des qualités essentielles pour la suite des aventures de piranhas préhistoriques.

Judicieusement intitulé Piranha 3DD, le film sort en 2012 et va essayer de mettre en évidence les qualités du premier volet, tout en soulignant au marqueur ses propres défauts. Pour résumer, ce double bonnet D en fait des caisses, mais oublie pas mal de trucs en chemin.

Le film se veut plus grand, plus outrancier, et plus provocateur que son grand frère, mais il tombe en dessous de son prédécesseur sur plusieurs points alors que la promesse du parc d’attraction était bonne. Le premier film offrait un déluge de gore, de scènes choc et un humour noir très efficace, mais la suite semble être un comble en étant plus timide dans tous ces aspects, malgré ses ambitions.

Alors que Piranha 3D était marqué par des scènes spectaculaires de carnage (notamment le massacre du Spring Break), celui-ci ne parvient pas à égaler ce niveau de brutalité graphique. Il y a moins de moments mémorables où le gore fait véritablement frémir, laissant les spectateurs sur leur faim. Le premier film n’avait pas peur de choquer, que ce soit par la violence grotesque ou par des situations délibérément provocantes. Dans la suite, bien que certains moments cherchent à aller dans cette direction, ils semblent plus forcés et moins efficaces, souvent dilués par un manque d’audace dans la réalisation et l’écriture. L’humour noir et l’auto-dérision tombent souvent à plat. Les blagues manquent de la même finesse satirique, et les moments absurdes, au lieu d'être savamment exagérés, semblent parfois simplement paresseux ou trop prévisibles.

Et le pire ! Dans un film qui joue justement sur l’exploitation du sexe et du gore, il est paradoxal qu’il soit plus chiche sur les scènes de nudité, un élément qui, dans le premier, était une partie intégrante de son caractère décomplexé. Pour un film qui semblait vouloir en donner plus sur tous les plans, cet aspect surprend d’autant plus.

Le films essaye de compenser ses faiblesses en termes de gore et de spectacle par une nette tendance à l'auto-parodie. Plutôt que d'essayer de rivaliser avec l'ampleur du premier film, il se tourne davantage vers un ton absurde et décalé, jouant sur sa propre nature de série B. Ce choix semble délibéré, le film ne se prenant jamais trop au sérieux et s’amusant même à se moquer de ses propres codes et attentes.

Les situations deviennent encore plus ridicules, et le film assume pleinement son caractère exagéré, avec des moments où l’on sent qu’il s’agit presque d’un pastiche de lui-même. Le casting, notamment avec David Hasselhoff jouant son propre rôle, accentue cette dimension méta, où le film s’amuse à tourner en dérision l’industrie du divertissement et ses propres excès comme Anaconda : Offspring.

En embrassant pleinement l'auto-parodie, le film tente de transformer ses lacunes (moins de gore, moins de nudité, moins de surprises) en quelque chose de volontairement comique. Cela peut fonctionner pour certains spectateurs qui apprécient l'humour déjanté et le second degré, mais pour ceux qui cherchaient une suite à la hauteur de l'original en termes de choc et d'impact, cela peut sembler une déception.

Le retour de Christopher Lloyd et Ving Rhames pousse encore plus loin la logique de l’auto-parodie. Dans le premier film, leurs personnages étaient déjà des caricatures à peine voilées : Lloyd incarnait un scientifique excentrique, avec tous les clichés du savant fou, et Rhames jouait un shérif robuste, typiquement viril, en mode héros d’action. Ici, leurs personnages deviennent des caricatures de caricatures, amplifiant leurs traits exagérés jusqu’à l’absurde. Christopher Lloyd semble encore plus déjanté, jouant à fond la carte de l’excentricité scientifique qui frôle la parodie de ses propres rôles passés. Quant à Ving Rhames, son retour est encore plus improbable et délirant. Après avoir perdu ses jambes dans le premier film, son personnage est maintenant équipé de prothèses... armées de fusils à pompe ! Ce choix complètement absurde renforce le ton décalé du film, où Rhames se transforme en une version parodique de son propre archétype de l’homme d’action invincible. Ce type d’exagération peut faire rire certains spectateurs qui apprécient l’absurdité et la comédie outrancière, mais pour d’autres, cela peut sembler aller trop loin et devenir purement ridicule.

Les jeunes acteurs, qui sont censés servir de chair à canon pour les piranhas, manquent cruellement de charisme et de profondeur. Leur seule fonction dans le film est littéralement de se faire attaquer de manière spectaculaire, sans que le spectateur ne ressente vraiment d'empathie ou d'attachement à leur sort. Ils tombent dans les clichés typiques des films d'horreur : adolescents insouciants, fêtards, et souvent stupides, ce qui les rend prévisibles et oubliables. Contrairement au premier film, qui avait au moins quelques personnages légèrement plus développés, ce deuxième opus ne fait aucun effort pour rendre ces jeunes protagonistes intéressants ou mémorables. Ils n'ont pratiquement aucun trait de caractère marquant, et leurs dialogues sont souvent plats ou forcés. Ce manque de développement et de présence à l’écran rend le film encore moins engageant, car au final, on se fiche complètement de leur sort.

Ce choix, qu’il soit délibéré ou non, prive le film d'une tension essentielle : sans personnages auxquels s'attacher, même dans le cadre d'un film d'exploitation, les scènes d'horreur perdent en impact. Au lieu de s'investir dans la survie des personnages, les spectateurs finissent par simplement attendre de voir comment ils seront dévorés, ce qui peut vite devenir lassant sans la touche d'humour ou de créativité qui rendrait la chose plus divertissante, heureusement il y a David Koechner et son personnage de Chet.

Piranha 3DD est un échec à plusieurs niveaux. Alors qu'il promettait de surpasser son prédécesseur, il n'arrive jamais à retrouver l'impact, l'audace, ni même la folie du premier film. Malgré la présence de quelques figures emblématiques comme Christopher Lloyd et Ving Rhames, qui se perdent dans des caricatures de leurs propres caricatures, le film souffre d'un casting insipide, de jeunes personnages sans intérêt, et d'un scénario sans saveur. En essayant de pousser la parodie et l'absurde à l'extrême, Piranha 3DD tombe dans une surenchère sans substance, où le gore est rare, l'humour est plat, et même la nudité semble manquer. Plutôt que d'offrir un plaisir coupable, le film paraît paresseux et désordonné, ratant le potentiel de son concept.

StevenBen
2
Écrit par

Créée

il y a 6 jours

Critique lue 2 fois

Steven Benard

Écrit par

Critique lue 2 fois

D'autres avis sur Piranha 2 3D

Piranha 2 3D
Marvelll
5

Ils ont encore faim!

Piranha 3DD ?! Non sérieux, ils ont osé ? Deux fois plus de gore, deux fois plus de nichons ? Pour ceux qui comme moi ont adoré le premier opus, ils sont au taquet, la bave au bord ses lèvres, le...

le 23 juin 2012

14 j'aime

2

Piranha 2 3D
Fry3000
2

What the fuck is on my dick

Piranha 3D était fun, j'avais hâte de voir la suite tant qu'elle restait dans le même esprit. Le changement d'équipe m'a fait avoir des doutes, de John Gulager je n'avais vu que le premier Feast, qui...

le 4 juin 2012

14 j'aime

13

Piranha 2 3D
Citizen-Ced
3

Le second degré n'excuse pas tout. Les nichons non plus.

Je le savais. Le premier Piranha 3D, pourtant encensé par pas mal de monde, m'avait fait de la peine. On m'avait dit (pardon, prévenu), que celui-là était pire. Mais voilà, l'envie de voir un film...

le 26 oct. 2012

13 j'aime

3

Du même critique

L'Initiation - Dragon Ball, tome 3
StevenBen
7

« Si tu veux un conseil, n’utilise pas toute ta force… » SANGOKU

Comme la majorité des jeunes français, j’ai connu Dragon Ball le 02 mars 1988 sur TF1, dans le Club Dorothée. J’étais loin de me douter que ce dessin animé était l’adaptation d’une bande dessinée,...

le 18 oct. 2022

2 j'aime

3

Kaméhaméha - Dragon Ball, tome 2
StevenBen
7

« Il m’avait dit de ne pas la regarder mais je l’ai fait quand même ! » SANGOKU 

Comme la majorité des jeunes français, j’ai connu Dragon Ball le 02 mars 1988 sur TF1, dans le Club Dorothée. J’étais loin de me douter que ce dessin animé était l’adaptation d’une bande dessinée,...

le 17 oct. 2022

2 j'aime

3