Ses trois derniers films sont plus ou moins des remakes, et pourtant Aja parvient peu à peu à s'imposer, pas encore totalement comme un « auteur », mais au moins comme un cinéaste ayant trouvé son propre style.

Mieux vaut cependant ne pas attendre de ce Pirahna 3D qu'il perpétue l'esprit subversif et caustique de Joe Dante. Aja ne possède ni son ironie carnassière, ni sa volonté de taquiner le système de l'intérieur. Au contraire, le cinéaste semble ravi d'être là où il est, une caméra à la main pour produire un cinéma de série B décomplexé, brutal et — c'est l'unique « révélation » apportée par Pirahna 3D — un talent inattendu pour la comédie et le grand-guignol gorasse hérité des années 80.

Difficile dans ces conditions de reprocher totalement à Aja de sous-exploiter le potentiel un peu anar des piranhas — qui ne sont finalement que le pendant « gremlinesque » du requin de Jaws. Si le film se complaît à épargner les puceaux d'un côté pour mieux massacrer les étudiants débauchés de l'autre, c'est probablement plus parce qu'il s'échine à reproduire les conventions d'un genre et d'une époque que pour délivrer un quelconque point de vue.

Citations, casting référentiel — Elisabeth Shue qui reprend le rôle de Roy Scheider dans Jaws version badass MILF, Richard Dreyfuss, Christopher Llyod en mode « tonnerre de Zeus » —, intrigue presque intégralement pompée sur celle du Jaws 2 de Jeannot Szwarc : Piranha 3D s'inscrit dans cette mouvance nostalgique qui contemple les années 80 avec une pointe de regret, entre les improbables caméos de vieilles gloires ventripotentes (Rutger Hauer, Tom Berenger) dans les films de Nolan, nouveau golden boy d'Hollywood et le baroud d'honneur des Expendables de Stallone.

Cette nostalgie pourrait limiter Pirahna 3D à un exercice de style un peu vain s'il ne confirmait pas le talent d'Aja pour composer des plans d'une réelle beauté formelle — on pense souvent à l'incroyable scène du lac dans le Vendredi 13 sous-estimé de Nispel — et, évidemment, à laisser parler ses plus bas instincts lors de la très attendue rencontre entre les étudiants déchaînés et la masse grouillante et carnivore des piranhas, scène d'une sauvagerie et d'une violence inouïe, à la fois sanglante, terrifiante et... hilarante. Grand moment terriblement jouissif d'un film qui a finalement le mérite de ne pas trop se poser de questions et de foncer tête baissée, un grand sourire mongoloïde aux lèvres.
LAmi-Ricofruit
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le 6 sept. 2010

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L'Ami Ricofruit

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