Après avoir bu à La Fontaine de Jouvence une eau plate, grasse et finalement assez vaine, pas facile de redresser la barre du bateau Pirates des Caraïbes. Alors, quand une Vengeance de Salazar se dessine à l'horizon, il n'est pas interdit de tressaillir, que ce soit de peur, si la qualité toute relative du dernier épisode en date se perpétue, ou mu par une certaine attente, la bande annonce promettant quelques bons moments de spectacle dans la lignée de ce qu'offrait Le Secret du Coffre Maudit et Jusqu'au Bout du Monde.
De tels sentiments mitigés se confirment durant la séance, mêlés à un certain soulagement. Car si la qualité de l'ensemble est cette fois au rendez-vous, un gros déjà vu s'installe, tant La Vengeance de Salazar ne propose pas de grosses surprises sur les océans du divertissement qu'il emprunte. Une véritable mer d'huile par instant, donnant un drôle de rythme à l'ensemble. Le nouveau duo installé derrière la caméra, Joachim Ronning et Espen Sandberg, s'échine dans une première partie à émuler les passages les plus reconnaissables de La Malédiction du Black Pearl, en faisant halte en geôle ou près de la potence, tout en faisant faire à Jack Sparrow un casse tout droit décalqué du final de Fast & Furious 5. Drôle d'impression. Mais le spectateur gagne peu à peu en confiance. Car il se passe enfin quelque chose à l'écran, loin d'un quatrième film où l'inanité servait de cap à la navigation.
A l'occasion d'un flashback ou lors de l'apparition de quelques requins zombies, il se dira même que ce cinquième opus se glisse dans le sillage des trois fils aînés. Mais malheureusement, guère plus. Car Pirates des Caraïbes sombrera parfois du côté du mélo, glissant la quête du père comme moteur principal d'un couple calqué sur celui formé par Orlando Bloom et Keira Knightley... Sans rien dégager. Car si Kaya Scoledario est bien mignonne, elle n'offre pas grand chose de plus. Mais ce n'est rien comparé à son comparse Brenton Thwaites, proche du charisme d'une endive au jambon abandonnée dans un frigo en rupture de la chaine du froid.
Si l'originalité s'est retrouvée à fond de cale, La Vengeance de Salazar se laisse regarder sans déplaisir, les dollars de Disney et de Jerry Bruckheimer étant dépensés afin de donner vie à un spectacle honnête et la plupart du temps joli. mais il manque clairement quelque chose. Car une fois sorti de la salle, pas grand chose ne revient en mémoire, sauf une satisfaction un peu fugace, celle ressentie en voyant un blockbuster de consommation courante, honorable, mais loin d'être impérissable.
C'est certainement le plus grand problème de ces Pirates des Caraïbes. Car privé de son capitaine, Gore Verbinski, la saga évite désormais de s'aventurer en haute mer, ou, de tout simplement, se jeter à l'eau. exit donc les immenses chutes au bord du monde du troisième opus, le combat à l'épée en plein maelstrom ou le charisme d'un Davy Jones. Oui, il y a bien un bateau en mode Transformers, oui, il y a les cabrioles des requins zombies. Oui, il y a l'océan qui s'ouvre en deux, mais cela ressemble un peu à la visite d'un centre océanographique, non ? Tandis que Disney et l'ami Jerry se contentent de gérer leur univers, sans pour autant l'utiliser pleinement.
Pirates des Caraïbes s'en trouve ainsi presque normalisé, aussi abordable qu'un film de pirates lambda, quand Gore Verbinski, alors qu'il était à la barre du navire, multipliait les idées folles et les scènes parfois aux limites du méta, donnant un sentiment étrange à un divertissement censé être family friendly, manoeuvres qu'il a renouvelées sur Rango, Lone Ranger ou A Cure for Life, avec plus ou moins de succès public.
Le vaisseau Pirates des Caraïbes, lui, continue sa route juste à la sortie du port. Un bateau rutilant, poli, bien propre sur lui, comme s'il avait été recyclé pour les traversées grand luxe de chez Costa ou MSC Croisières. Loin de l'audace d'antan, des abordages désespérés.
Confort ou aventure, faîtes votre choix, alors même qu'une scène post générique promet timidement de ressusciter les grandes heures de la vie de pirate.
Behind_the_Mask, marin d'eau douce