Desserrons les fesses un instant je vous prie. Le temps de lire ces quelques paragraphes consacrés à la “conclusion” de la saga Pirates des Caraïbes. La Vengeance de Salazar sort quinze ans après le tout premier volet, et je ne sais pas si vous aviez remarqué, mais quinze ans, ça fait beaucoup. Et en quinze ans, il se peut que l’engouement autour d’un objet filmique puisse fortement diminuer. Force est de constater qu’à sa sortie, La Vengeance de Salazar n’a pas rameuté la foule espérée par Disney. Moi-même, pourtant grand fan des trois premiers volets de Gore Verbinski et qui était même allé voir Jusqu’au Bout du Monde et La Fontaine de Jouvence au cinéma, des Pirates des Caraïbes, j’en avais plus grand-chose à carrer.


Je disais dans ma critique précédente que La Fontaine de Jouvence partait avec un boulet au pied car il était la suite directe d’une trilogie fortement bien construite, et qu’y trouver une continuité était de dur labeur. Et c’est pas dire à quel point à l’époque, j’avais pas aimé La Fontaine de Jouvence (que je revois à la hausse maintenant, même si ça reste foncièrement un mauvais film). Et bien La Vengeance de Salazar semblait victime de ce même boulet, mais plus fort encore. La moitié du casting totalement désintéressée qu’il a fallu convaincre de revenir (Orlando Bloom, Geoffrey Rush étant les premiers intéressés), la nécessité de faire suite aux évènements du précédent volet qui n’étaient pas folichon, et un manque concret d’idées au point de faire revenir un Davy Jones bis ayant eu un passé conflictuel avec Jack Sparrow et qui compte revenir d’entre les morts pour se venger.


Bref, cette Vengeance de Salazar, j’ai senti la grosse mélasse de caca puant qui s’en dégageait et j’ai lâchement quitté le navire en délaissant ces personnages qui avaient pourtant fait une part de ma jeunesse. Mais trois ans après, que vaut finalement cette bouse infâme qu’on me vend comme le pire Pirates des Caraïbes, pire encore que La Fontaine de Jouvence ?


Mouais.


C’est pas un bon film...mais est-ce que c’est un film si mauvais que ça ? Disons que oui... et non. Après visionnage, ce film s’est posé comme un cas intéressant, au même titre qu’un Venom ou un Superman Returns. C’est un film qui sent pas très bon, mais qui a assez de qualités ou de points intéressants pour que ça reste un spectacle de mauvais goût, certes, mais pas dénué d’intérêt.


En fait, une des raisons pour laquelle j’accorde autant d’intérêt à La Vengeance de Salazar, c’est que contrairement à La Fontaine de Jouvence, celui-ci tente de renouer avec un des aspects qui, à mon sens, fait le charme des Pirates des Caraïbes de Gore Verbinski : la démesure. J’en parle tout le temps dès qu’il s’agit de cette saga, mais à mon sens, c’est ce qui en fait tout son sel. Regarder Pirates des Caraïbes, c’est voir un budget colossal au profit d’un spectacle visuel ébouriffant et d’un lyrisme flamboyant, quitte à aller au-delà du vraisemblable. Et quand j’ai commencé La Vengeance de Salazar, une scène m’a immédiatement fait dire qu’on avait retrouvé ce semblant de démesure, c’est le braquage de la banque par Jack Sparrow et son équipage. Tous les ingrédients y étaient, une course poursuite totalement bordélique avec un bâtiment qui se fait tirer par une charrette, un Jack en roue libre qui use de toutes les malices possibles pour se sortir de ce mauvais pas (quitte à faire tomber la jolie Kaya Scodelario en la livrant aux gardes), et...voilà quoi, c’était ça que je voulais et contre toute attente, bah c’est ce que j’avais sous les yeux. Alors, d’accord, ça n’atteint pas la folie d’une bataille au cœur d’un maelstrom ou d’un duel d’épée sur une roue qui fonce à vive allure, mais il y avait une intention derrière, et cette intention, je l’ai apprécié.


Après, ce serait un peu malhonnête de ma part de tirer tout mon argumentaire d’une seule scène, aussi bonne soit-elle. Car je suis bien conscient que dans ce film, il y a d’autres scènes (encore heureux), et que ces scènes...bah elles sont quand même sacrément moins bonnes et offrent finalement un tout assez brinquebalant.


Qu’on soit honnête, dans son ensemble, La Vengeance de Salazar, c’est franchement pas bon. Je crois que c’est le Pirates des Caraïbes le plus prévisible que j’ai pu voir (on sait d’avance quel couple sera formé, que les personnages vont tous accomplir leurs quêtes et qui va se sacrifier à la fin). Pire encore, il a le même défaut que La Fontaine de Jouvence, Jack Sparrow n’est pas acteur de son aventure. Les véritables héros du film, ce sont Barbossa et Carina (et p’tet Henry mais le personnage est si insipide que je daigne lui reconnaître un quelconque intérêt). Jack n’est qu’un taxi qui transporte les personnages en faisant des blagues. Pire, il est un poivrot capable d’abandonner son rêve de piraterie (mais cet aspect du personnage est à peine effleuré dans le récit, là où c’est quelque chose qui aurait mérité d’être développé, voir même de devenir la thématique globale du film). Nan, ici Jack n’est que victime. Victime du plan de Barbossa, victime des décisions de Henry et Carina et surtout, victime de Salazar qui passe tout le film à le pourchasser.


Et Salazar, parlons-en... Je vois bien que les scénaristes ont voulu nous offrir un Davy Jones bis, un semi-mort qui veut sa revanche sur Jack Sparrow. Et malgré son design qui est absolument brillant, Salazar est ce qu’on pourrait appeler un bon gros méchant de merde. Sa seule motivation, c’est de tuer Jack, ses seuls dialogues sont sur Jack, il veut tuer les pirates parce que son père a été tué par des pirates. Vraiment, plus unidimensionnel que ça, tu meurs. D’autant qu’il y avait quelque chose à tirer d’un tel méchant, mais non. Les scénaristes ont préféré le faire répéter cinquante fois “Sparrow” avec l’accent espagnol plutôt que de lui donner un véritable background. Les méchants de Verbinski ont toujours eu une bonne raison d’être méchants, mieux encore, il y avait toujours une certaine empathie qui s’en dégageait (sauf pour Lord Beckett). Salazar y a rien, il est méchant, il est cruel, point.


On n’échappe pas non plus à moults incohérences qui viennent briser une nouvelle fois toute l’aura de l’univers (d’où un objet aussi puissant que le Trident peut être briser d’un coup d’épée, et s’il régissait tous les sorts de l’Océan, ça veut dire que sa destruction signifie l’impossibilité totale de surnaturel ce qui est un peu handicapant pour les suites). Les effets spéciaux sont assez inégaux, certains passages arrivent à être impressionnants (les batailles navales) quand d’autres sont juste incroyablement dégueulasses comme la chute finale de Barbossa.


Et pourtant...bah j’y trouve un intérêt. La scène finale par exemple, aussi curieux que cela puisse paraître, j’avais un sourire niais tout du long. Y avait quelque chose, par la simple présence de certains personnages, par la musique, qui me faisait chaud au cœur. Je vois bien qu’il y a énormément de fan service dans ce volet, et en général, c’est pas un piège dans lequel je tombe, ça a même tendance à m’énerver mais là, ça m’a pris.


Je suis conscient que c’est un mauvais film pour tout un tas de raisons que j’ai cité plus haut. Mais pour cette simple volonté de retrouver la démesure des premiers films et cette scène finale, aussi fan service puisse-t-elle être, je ne déteste pas La Vengeance de Salazar. De là à dire que c’est un bon film, faut pas déconner, mais voilà, c’est un spectacle qui éveille en moi un certain intérêt. Et c’est finalement pas si mal vu à quel point je m’attendais au pire.

James-Betaman
5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2017 et 2021 : une année de films et de court-métrages

Créée

le 10 janv. 2021

Critique lue 87 fois

James-Betaman

Écrit par

Critique lue 87 fois

D'autres avis sur Pirates des Caraïbes - La vengeance de Salazar

Du même critique

Coupez !
James-Betaman
4

Tout l'art d'être critique (ou pas)

Le principe même de ce remake avait de quoi intriguer. Ce n’était pas une première pour Michel Hazanavicius de se réapproprier une œuvre filmique afin de lui insuffler un vent de modernité (et son...

le 29 janv. 2023

57 j'aime

28

After - Chapitre 1
James-Betaman
1

Le digne successeur de 50 Nuance de Grey... On pouvait pas espérer mieux

Hier soir, je me suis couché en me disant que la nuit porterait conseil pour ma critique d'After. Tu parle ! J'ai passé la nuit à cogiter dans ma tête, cherchant un truc bien à dire sur ce...

le 18 avr. 2019

53 j'aime

12

The Kissing Booth
James-Betaman
1

La pire représentation de la jeunesse que j'ai pu voir dans un film

J'ai eu une discussion avec un ami sur beaucoup de choses, notamment sur la société et les jeunes. Cet ami, qu'on va appeler Jack, parce que ça sonne bien, m'avait livré ce qu'il considère comme...

le 15 août 2018

46 j'aime

15