Pirates et Guerriers
6.7
Pirates et Guerriers

Film de King Hu (1975)

King Hu est souvent considéré par ses pairs et par les spécialistes du cinéma chinois comme le fondateur du wu xia pian tel qu’on le connait aujourd’hui, forçant sans cesse le cinéma de Hong Kong et de Taïwan à se renouveler, source d’inspiration principale d’un réalisateur comme Tsui Hark. Un réalisateur culte auquel Spectrum Films, après deux très beaux coffrets, continue de rendre hommage avec The Valiant Ones, premier film de King Hu à avoir eu droit à une sortie chez nous à l’époque sous le titre Pirates et Guerriers, dans une superbe copie dont la restauration a été effectuée à partir du négatif original par la King Hu Foundation. Un film important au point que la Harvard Film Archive a organisé une projection dans le cadre de son programme de 2013 King Hu and the Art of Wuxia en association avec le ministère de la Culture de Taïwan. The Valiant Ones est également projeté périodiquement au Berkeley Art Museum et à la Pacific Film Archive dans le cadre de leurs expositions de films. Un film peut-être moins connu que L’Hirondelle d’Or, L’Auberge du Dragon ou encore A Touch of Zen, mais qui pourtant vaut tout autant le coup d’œil.


La mise en scène est très soignée, comme c’est toujours le cas chez King Hu. Tournant en décors naturels, dans des forêts, des flans de montagne ou de bords de mer, Hu compose ses plans avec une grande intelligence, s’amusant parfois avec la perspective, jouant avec les longs travellings voire des petits plans séquences. Il aime laisser vivre ses personnages dans le cadre plutôt que de multiplier les coupes. On sent qu’il s’amuse avec sa caméra, n’hésitant pas à, comme à son habitude, continuer d’expérimenter. La photographie y est également très soignée et la très belle copie Spectrum lui rend clairement hommage. Pour les combats, les choses s’accélèrent. Il y a toujours des longs plans, permettant de profiter des chorégraphies, mais le montage va se faire plus rapide, avec également une caméra plus mobile, et une fois de plus, King Hu va inspirer le cinéma de Hong Kong tout entier au point que cette façon de mettre en scène les combats deviendra petit à petit la norme à Hong Kong. Alors que le cinéma de King Hu est souvent assez lent, parfois même un peu trop contemplatif pour certains, le rythme y est ici très soutenu. L’histoire, un conflit de l’ère Ming entre des fonctionnaires chinois et des pirates japonais, est simple, bien menée, avec d’un côté des pirates/bandits qui sèment la zizanie un peu partout et de l’autre des autorités qui essaient d’endiguer le problème. Mais il n’est simple qu’en apparence puisque le scénario aura droit à son lot de complots et autres trahisons, bien que cela reste sage à ce niveau-là. King Hu rajoute des personnages historiques réels dans son film, comme pour apporter de l’authenticité à ce que l’histoire nous raconte, mais il a bien compris que, période oblige, le public a envie de voir de l’action, des combats, et il va leur en donner à intervalles très réguliers, au point qu’il s’agit peut-être ici du film de King Hu le plus frénétique, tout du moins le mieux rythmé. C’est simple, il ne se passe pas 3 minutes sans qu’une scène d’action n’éclate. Mais pour le coup, les scènes d’exposition, moins nombreuses que d’habitude, et bien que malgré tout traitées avec le plus grand soin, seront moins impactantes qu’à l’accoutumée, avec un moindre souci du détail.


L’action sait se faire intense, avec des combats relativement nerveux et de longs plans faisant la part belle aux échanges et aux chorégraphies, dans un style tout à fait réaliste, à l’exception du combat final où le méchant japonais interprété par Sammo Hung est beaucoup plus virevoltant que son homologue chinois. Sammo Hung effectue un très bon boulot, avec des chorégraphies assez inventives, filmées de manière inventive par King Hu, et le résultat à l’écran est des plus réjouissants. On dit souvent que c’est King Hu qui a inventé le Wu Xia Pian, et avec The Valiant Ones, il apporte encore une pierre à l’édifice. Les combats sont tout d’abord très faciles pour le groupe de héros, avec des sbires qui se font envoyer ad patres en quelques secondes, et plus le film va avancer, plus on aura droit à des ennemis qui opposent plus de résistance, jusqu’au combat final, meurtrier, contre le chef japonais joué par Sammo. On ressent d’ailleurs facilement que ce dernier est aux commandes de l’action avec des chorégraphies assez agressives et des coups aux forts impacts qui sont sa marque de fabrique, et un côté opéra de pékin que King Hu semble énormément apprécier. Certaines scènes sont assez mémorables, comme ce parallèle entre la partie de Go et l’arrivée des bandits, et le combat dans la forêt qui va suivre. Ou encore cette rencontre « mouvementée » avec le propriétaire de l’île, ses épreuves, ses sbires. Elles sont mémorables car le casting l’est tout autant. On retrouve par exemple la jolie Hsu Feng (A City Called Dragon, Dragon Inn) en sabreuse quasi mutique, Sammo Hung (Eastern Condors, Millionaire’s Express) en combattant japonais, ou encore un Roy Chiao (Bloodsport, Dragons Forever) qu’on n’a pas forcément l’habitude de voir dans ce genre de rôle. On s’amusera également à reconnaitre toutes les têtes connues, très jeunes en 1975 mais qui feront la gloire du cinéma de Hong Kong par la suite, dans des petits rôles ou simplement des apparitions, comme par exemple Mars, Simon Yuen, Billy Chan, Stephen Tung, Yuen Wah, Yuen Biao ou encore Corey Yuen.


The Valiant Ones est une nouvelle réussite pour le maitre du wu xia pian King Hu, délaissant l’exposition pour nous proposer une avalanche de scènes d’action avec, comme d’habitude, une superbe réalisation. Le résultat est des plus réjouissants !


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-the-valiant-ones-de-king-hu-1975/

cherycok
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le 22 août 2024

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