Revenir sur les premiers films de Jia Zhang Ke permet de juger de la persistance de ses préoccupations comme de l'évolution de son art jusqu'à la plénitude actuelle. "Unknown Pleasures" (en anglais puisque sinon on perd la référence à Joy Division, importante) a un sujet fort - l'aliénation naissante de la jeunesse chinoise au début du XXIème siècle alors que le monde semblait pour la première fois soffrir à elle - et une forme non moins impressionnante : la manière dont Zhang Ke utilise son expérience naissante du documentaire pour regarder ses personnages, dont il gère le "temps réel" sans pour autant tomber dans la lenteur qui aliène le grand public, est à proprement parler soufflante. Pourtant, ce qui frappe le plus le spectateur occidental dans "Unknown Pleasures", c'est sans doute la vision effrayante d'une Chine encore émergente (10 ans après, c'est pire, on l'a vu avec "Touch of Sin") livrée à une brutalité quasiment primitive, la violence sociale se doublant d'une inhumanité incroyable des rapports. Un beau film, peu plaisant certes, d'un réalisateur déjà exceptionnel.