Je sais que ce 8/10 parait très généreux. Dans mon classement (imaginez vous une tier-list), je le place dans Il manque un truc mais...
En effet, Planète B est un film assez imparfait, et ce n'est pas tant l'extrême qualité que les idées exprimées qui motivent ma générosité.
Le film regorge de bonnes idées, et on sent une ambition derrière, qui n'est pas toujours suivie à l'écran il faut l'admettre. J'aime la manière très simpliste dont la France autoritaire est imaginée, sans présence politique et uniquement policière. D'ailleurs, on pourrait presque regretter qu'au final, les propos politiques soient très survolés, disposés parcimonieusement. Si le côté très militant pourrait apparaitre dans la première demi-heure (la moins intéressante du film), il finit par disparaitre pour une mise en valeur d'autres questions. Mais l'équilibre ainsi fait n'est pas si absurde au final, et vu la durée de Planète B, c'est peut-être un mal pour un bien.
Comme j'ai pu dire, le film, sous ses aspects politiques, les met rapidement de côté pour se rapprocher du thriller psychologique aux accents cyberpunks. Et c'est clairement le point fort du film, puisque le côté minimal permet de montrer beaucoup avec pas grand chose: une salle informatique, une planque, une base militaire dont on ne connait presque rien, et pourtant, on sent une fibre Matrix assez honnête et sincère.
Derrière cet aspect intéressant du film, on peut aussi apprécier la manière dont les différents personnages secondaires évoluent dans cette prison virtuelle. Je n'irai pas jusqu'à parler de climax, mais arrive un moment dans le film où toutes les tensions finissent par exploser et donner une suite de scènes très prenantes à l'issue incertaine. Et c'est clairement ce qu'on attend de ce genre de film, où l'espoir est une notion très rare et toute relative.
Néanmoins, il faut bien reconnaitre que Planète B manque d'un certain panache et d'une réelle identité. J'ai beaucoup regardé de films de science-fiction qui ne soient pas des blockbusters, et ceux qui émergent le plus ont un quelque chose en plus qui manque à ce film. Les idées derrière sont bien ancrées, ambitieuses, mais la réalisation ne réussit pas à imprimer un peu de grandiose dans tout ça. Mentionnée plus tôt, la première demi-heure pâtit de lignes de dialogues parfois peu naturelles, ce qui retarde l'entrée dans l'univers du film.
De plus, Planète B a beau durer deux heures, il ne réussit pas pour autant à tout raconter et à aller au bout des choses. On ne sait rien des conséquences plus concrètes, et le contexte global, bien qu'exposé au début, finit par se confondre avec une banale dictature dystopique.
Il faut néanmoins, toujours, souligner les bonnes idées de Planète B s'agissant de la question de l'autoritarisme. L'omniprésence de forces armées et de la surveillance est ainsi très bien rendue à l'écran, et la violence a su être montrée au bon degré de brutalité pour qu'on la retienne. L'image de fin est de ce fait extrêmement forte et très réussie, renvoyant sans trop spoiler, à la crise des gilets jaunes. On apprécia ces nombreuses références à notre époque actuelle, telle que la manière dont la représentation du pouvoir divise les gens entre eux. On appréciera moins le discours peu subtile du "lorsqu'ils ont emmené untel, je n'ai rien dis, quand ce fut mon tour, il ne restait plus personne pour me défendre". Il avait certes toute sa place ici, et c'est peut-être même le propos le plus important du film, mais la manière dont il est amené est bien trop littérale.
En fin de compte, mon principal reproche au film réside donc bien dans son incapacité à réellement marquer au-delà de quelques scènes: quel message réussirait-il à ancrer chez les spectateurs? Ses avertissements sur le devenir d'une France acquise au tout sécuritaire et à l'autoritaire sont pertinents, mais ont-ils bénéficié d'un support assez fort pour s'implanter tel un Matrix ou un Terminator?
Il est louable que le film ait su ne pas être un cliché trop gauchiste, trop centriste, ou trop droitard. Il ne tombe que rarement dans la caricature, excepté visuellement peut-être, et c'est ce qui lui permet un certain réalisme et un centrage sur les qualités remarquées plus tôt. Mais cela participe comme le reste à une certaine fadeur, en dépit de personnages très intéressants. Planète B est donc un film imparfait, mais il reste un film de science fiction français, et comme tous les autres, je ne peux que l'encourager et en noter les qualités.